L'Unité Nationale : Qu'est-ce que c'est ?

Voilà une notion qui aujourd'hui se vend bien au marché des idées 
politiques. Elle est dans l'air du temps et sous-tend bien des 
engagements de ceux qui nous gouvernent. Mais l'unité nationale » 
qu'est-ce que c'est ? 

Dans l'entendement du commun des mortels,  elle est la cohésion de 
l'ensemble des composantes humaines de la société. Elle est donc,  
par excellence, l'instrument primordial de l'action commune dans la 
Nation. S'unir sous une même bannière et choisir un destin commun. 

Hélas ! Si l'on sait à quoi peut servir « l'unité nationale », 
facilement perceptible par le sens commun, on ne sait cependant pas 
comment la réaliser. Car justement, il n'en existe pas de définition. 

Le sens commun « perçoit » l'intérêt de « l'unité nationale » mais ne 
peut dire ce que c'est. Il en est ainsi fondamentalement des 
politiciens. Ils emploient la notion « d'unité nationale », 
connaissant bien sa réceptivité par l'auditoire, mais ne s'accordent 
ni sur son identification, ni sur les moyens ou  les instruments pour 
la réaliser. Et pour cause !

C'est une notion qui dans son édiction est simple mais dans sa 
réalisation complexe.  Car composée des deux termes « unité » et « 
Nation », elle comporte en elle-même les germes de son 
insaisissabilité.  

« Unité » : « Caractère de ce qui est un, unique,  de ce qui est 
considéré comme formant un tout dont les diverses parties concourent 
à constituer un ensemble indivisible. Qualité de ce qui est homogène, 
non composite. »
« Nation » : communauté humaine ayant conscience d'être unie par une 
identité historique, culturelle, linguistique ou religieuse. 

Où est l'erreur ? La voici : la « Nation » ne se définit pas sans son 
unité. Il n y a pas de nation, là où il n ya pas d'unité ! 

Alors que signifie « l'unité nationale ? ». Rien ;  si on accorde à 
cette notion la valeur d'un slogan politique. Tout ; si on lui donne 
le contenu socio-psychologique qui doit la sous-tendre. 

En effet, la Nation se base sur une « prise de conscience » de son 
unité par ceux qui la composent. Ainsi, dire renforcer « l'unité 
nationale » est redondant. Dire renforcer « la Nation » c'est plus 
explicite. 

Mais si l'on sacrifie à la notion « d'unité nationale », toute la 
question se résoudra à cette notion de « prise de conscience » que le 
politique se doit de véhiculer et d'asseoir. Mais la grande question 
est de savoir: une « prise de conscience » de quoi ? Et c'est là où 
le bât blesse.

La « Nation » ayant été définie comme une communauté humaine ayant 
conscience d'être unie par une identité historique, culturelle, 
linguistique ou religieuse… 

Quelles identités fondent-elles alors cette Nation en Mauritanie ?
Est-ce une identité sociale avec son élément psychologique précité à 
savoir « la conviction d'un individu d'appartenir à un groupe social, 
reposant sur le sentiment d'une communauté géographique, 
linguistique, culturelle et entraînant certains comportements 
spécifiques. » ?

Cette « identité sociale » ne se vérifie pas en Mauritanie car la 
communauté linguistique principalement fait défaut. Et l'Etat n'a pas 
fondamentalement, depuis l'indépendance,  œuvré au  développement de  
l'enseignement des langues nationales et leur apprentissage par 
toute  la communauté. Ce qui aurait permis de renforcer les relations 
sociales communautaires.

Est-ce une « identité historique », avec son élément affectif de 
mémoire partagée liant des générations de sacrifice et de combats ? 
Cela ne semble pas être le cas. Puisque les communautés 
mauritaniennes maure et négro-africaine ne se définissent pas par un 
rattachement militant historiquement présent modelant un inconscient 
collectif de solidarité nationale. L'Etat mauritanien est d'histoire 
récente. 

Est-ce une « identité économique », avec son lien d'interdépendance 
et d'échange intercommunautaires à travers un tissu commercial et 
industriel intégré qui associe toutes les composantes communautaires 
à travers l'outil de production et le partage des ressources qui en 
résulte ?

Là encore on est loin de cette identité économique puisque l'économie 
ne sert pas de ciment et de lien d'interpénétration des communautés 
et depuis l'indépendance l'Etat n'a pas œuvré au développement de ce 
lien d'identification à une communauté économique. Pauvreté du tissu 
industriel et commercial, pillage des ressources au profit d'une 
minorité.


Comment alors prôner le renforcement d'une unité nationale si « 
l'identité » (sociale, linguistique, culturelle, économique..) qui 
est une condition fondamentale de sa définition, n'existe pas ou est 
faiblement ressentie ?

L'Etat mauritanien, depuis l'indépendance a failli dans sa mission de 
créer une identité nationale fondement de l'unité de la Nation. Et 
l'explication en  est la suivante : au lieu de s'intéresser à l'homme 
et à sa condition, il s'est intéressé aux lois et à leur application.

En effet, jusque-là l'Etat mauritanien à bâti son approche de la « 
Nation », sur l'instrument juridique. La Constitution est la source 
de la Nation. Une nation qui est alors définie par rapport à la 
constitution. C'est  une communauté ayant un  territoire propre, 
organisée en Etat. C'est alors une  personne juridique constituée 
d'un ensemble d'individus régis par une même Constitution.

Un positivisme national qui a réduit la nation à sa justification 
constitutionnelle. On est une Nation...par ordre de la Constitution. 
Une « nation en papier »…sur le papier.

Aujourd'hui, tout renforcement de cette « Nation juridique » se doit 
de passer par le renforcement de l'identité nationale, ciment 
véritable de la Nation et de l'appartenance à l'Etat qui la gère.

Pour cela, il convient de rapprocher les communautés à travers des 
liens linguistiques, culturels, économiques solides. En développant, 
l'enseignement des langues en encourageant et en finançant les 
activités culturelles pluriethniques, en renforçant les relations 
commerciales et le partenariat intercommunautaires, en favorisant les 
rencontres de jeunesse à travers des œuvres nationales communes, en 
rehaussant le niveau de vie et en décloisonnant les communautés, les 
villes et les villages.

C'est à seul prix que les identités sociales, culturelles, 
linguistiques et économiques éléments de définition de la Nation se 
créeront et contribueront à renforcer « l'unité nationale ». Sans 
identité, il n'y a pas de Nation. Et on ne renforce que ce qui existe.


                         Pr. ELY Mustapha


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