Lorsquune société, suffisamment développée, ressent le besoin de transmettre aux futures générations son histoire, ainsi que de faire perdurer ses avancées en terme de techniques, de réflexions, ou de sciences, lécole apparaît. Cependant, bien que cette même société en France ait radicalement changé, lécole, elle, ne semble pas sêtre profondément modifiée. Cest également ce que souligne B. Collot dans le texte « les incompatibilités du système éducatif. » Il souligne aussi lexistence de réflexions théoriques sur les processus dapprentissage, pour nous révéler enfin lexistence de pratiques plus praxéalologiques, que constituent les nouvelles pédagogiques. Mais quels en sont les apports réels ?
B. Collot nous explique dabord le fonctionnement ainsi que les bases sur lesquelles se sont fondées les écoles dites traditionnelles. Il fait le parallèle entre le fonctionnement des enseignements donnés par les Jésuites au XVIème siècle et lécole traditionnelle existant en France depuis près dun siècle. En utilisant le terme dhomogénéité, il semble donc souligner que dans ces deux types décoles, les élèves doivent progresser au même rythme, suivant un contenu (pour les Jésuites) ou des programmes (pour lécole traditionnelle), décidés en amont, et sans tenir compte des différents rythmes des enfants. Cependant, ces différents rythmes sont un fait et les élèves ne pouvant suivre cette progression sont alors sortis du système, afin de préserver cette homogénéité de la classe.
Lauteur fait ensuite référence à certains penseurs-philosophes ayant critiqué cette homogénéité utopique pour certains, et sétant interrogés sur les finalités de lécole pour la plupart. Or, daprès ces philosophes ou écrivains, il nest pas de contenus figés pouvant servir à lépanouissement de lenfant. Cependant, B. Collot reproche à ces théoriciens de ne donner aucune méthode pratique pouvant servir à léducateur. Ces théories restent alors seulement méditatives et ne semblent aucunement applicables dans la réalité.
Cest alors que lauteur fait référence aux différentes approches des nouvelles pédagogies. En citant P. Robin, S. Faure ou encore Montessori, il sappuie sur louverture décoles qui, depuis près dun siècle innovent en créant de nouvelles approches de léducation et se différenciant radicalement du système scolaire traditionnel. Ces écoles dites expérimentales semblent alors donner des mains aux théories, constituant des références possibles, et basés sur la réalité. Les observations des chercheurs tel que Montessori, Piaget, Vygosky ou Decroly ont également enrichi notre vision du système éducatif et du fonctionnement de lapprentissage chez lenfant. Cest alors que nous avons été en mesure de comprendre la multitude des facteurs favorisant lapprentissage ou aliénant lenfant. Toutes ces méthodes pratiques comme lapport par exemple de lapproche de Freinet, constituent donc de nos jours des repères essentiels et réels pour mener au mieux notre mission déducateur.
En effet, il paraît impossible de ne pas tenir compte de lapport des pédagogies nouvelles dans la mesure où certaines de ces mises en situation ont prouvé leur efficacité. Par exemple, la mise en place du conseil de coopérative par Célestin Freinet nous a permis de constater que la participation de lélève dans le fonctionnement de la classe lamenait à simpliquer avec beaucoup plus denthousiasme dans son travail. De plus, bien plus quune théorie, Freinet apporte des outils favorisant lépanouissement de lenfant (limprimerie, le journal scolaire, la sortie-enquête ou encore la correspondance).
Dautres partisans des pédagogies nouvelles nous ont également amenés à repenser le phénomène dapprentissage chez lenfant. Par ses réflexions sur la métacognition, Vygostky a par exemple démontré que cest en mesurant ses propres limites que lenfant peut progresser. Par ses réflexions sur la psychologie de lenfant, Piaget nous donne également une toute autre vision de lélève apprenant.
Lhomogénéité du groupe classe, existant dans lenseignement des Jésuites, et voulant devenir une réalité dans lécole traditionnelle semble alors bien plus fictive que réelle. La mise en place du collège unique par la réforme Haby en 1975 na alors fait que nous conforter dans cette vision. En effet, léchec scolaire devenant un phénomène grandissant, il devenait alors impossible de considérer les élèves comme un groupe homogène et de ne pas considérer les théories du handicap socioculturel, des avancées de type biologique sur le fonctionnement du cerveau, et bien dautres.
La mise en corrélation des théories et des pratiques pédagogiques semble donc essentielle. On ne peut en effet nier les apports des Platon, Rousseau, Montaigne, Alain ou Kant. Mais les pratiques pédagogiques semblent également essentielles pour affirmer ou infirmer ces théories. Cest par exemple en voulant donner des mains à la théorie de JJ Rousseau que Pestalozzi a créé lécole de Neuhof qui fut un véritable échec. Mais cest également en vue de cet échec quil a créé bien plus tard lécole dYverdon qui, non plus basée sur une utopie, mais sur une ancienne expérience, a fonctionné. Daprès cet exemple, nous pourrions alors penser que la théorie présente un support indispensable à toute pratique mais également que la pratique devient essentielle pour faire entrer la théorie dans un espace réel et non-seulement utopique. Les pédagogies nouvelles pourraient donc se situer en amont de la théorie.
Nous pouvons dire que lécole traditionnelle, dans son mode de fonctionnement transmissif, de rapport frontal, avec des élèves plutôt passifs, fonctionne bien pour des élèves qui ont envie dapprendre, qui sont motivés à la base. Cest une instruction sélective qui fonctionne sur un mode de compétition. Cest en ce sens que lécole républicaine sappuie sur ce que B. Collot nomme le taylorisme scolaire : on y écoute beaucoup, selon un enchaînement prédéfini. Lécole passe son temps à répondre à des questions que lenfant ne se pose pas, à partir de savoirs trop adressés à des adultes en devenir. Mais cela oublie de tenir compte de la singularité de chaque enfant, de leurs rythmes, qui sont pressés en « années scolaires ». Lécole semble trop fonctionner sur le leitmotiv de légalité, de luniversalité, dun même système central pour tous. Ainsi, avec le prétexte de légalité pour tous, on légitime les inégalités à larrivée, inégalités qui peuvent trouver leurs origines dans le manque déquité, de prise en compte des spécificités de lindividu.
Toutefois, nous devons nous garder de faire une apologie béate des pédagogies nouvelles. Il peut y avoir des effets pervers non désirables. Si les ruses pédagogiques peuvent solutionner quelques-uns des obstacles entre lélève et son apprentissage, elle peut aussi tromper lenseignant en lui faisant croire que cest grâce aux seules stratégies quil a mis en place que lélève apprend. Or, la décision dapprendre revient toujours en dernier lieu à lélève.
Nadège L.