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---------- Forwarded message ---------- Date: Fri, 13 Jan 2006 18:49:06 +0100 (CET) From: [EMAIL PROTECTED] Reply-To: [EMAIL PROTECTED] To: [EMAIL PROTECTED] Subject: [cspcl] La Sixie`meDe'claration, une hypothe`se politique a`de'velopper La Sixie`me De'claration, une hypothe`se politique a` de'velopper I. L'impact de la Sixie`me De'claration de la fore^t Lacandone de l'EZLN pose une question a` double volet. En effet, quelles perspectives fait-elle envisager a` ses interlocuteurs du Mexique et a` ceux du dehors ? Ce qui motive une telle question, en ce qui nous concerne, c'est en bonne partie la fac,on dont nous avons ve'cu ce qui s'est de'roule' au cours des dernie`res anne'es en Argentine, ou` une crise sociale, e'conomique et politique sans pre'ce'dents a eu d'e'normes re'percussions qui n'ont pu cependant occulter l'e'closion a` partir du milieu des anne'es 90 d'expe'riences innovatrices d'auto-organisation, celles-ci ayant recre'e', a` leur tour, et parfois dans de tre`s dures conditions, des possibilite's de vivre, en plein milieu de la guerre de'clare'e par le ne'olibe'ralisme. C'est que la singularite' de ces divers mouvements (e'meutes, mouvements piqueteros, assemble'es populaires, saisie d'usine, clubs de troc, escarmouches de jeunes visant les complices de la dictature militaire des anne'es 70, expe'riences d'e'conomie alternative et ouverture d'espaces de contre-culture) n'empe^che pas qu'ils avaient tous d'un de'nominateur commun : il ne s'agissait plus des sujets populaires classiques stratifie's en classes au sein de la production ou autour du dilemme entre dictature (militaire) et de'mocratie (parlementaire), mais de cate'gories correspondant aux propres progre`s du ne'olibe'ralisme apre`s son e'norme offensive des trois dernie`res de'cennies. L'entre'e en sce`ne de nouveaux acteurs sociaux, qui couvait depuis plusieurs anne'es, donna lieu dans les faits a` de nouvelles strate'gies de pouvoir hors des partis politiques et des syndicats ayant de'bouche' sur des modes d'interpre'tation, d'action et de liaison qui, sous l'influence ine'gale de l'expe'rience zapatiste, auguraient diverses hypothe`ses de construction d'un contre-pouvoir contre-pouvoir qui, apre`s 2003, cependant, est entre' dans une phase de "reflux". Lors des journe'es insurrectionnelles de de'cembre 2001, le mot d'ordre " !Que' se vayan todos!" ("Qu'ils s'en aillent, tous !") mate'rialisa de fac,on e'vidente le tre`s haut niveau, sans pre'ce'dents, de critique politique des pouvoirs constitutionnels. Comme on le sait, les mouvements populaires sont souvent suivis de longs moments d'introspection. Moments qui ne peuvent certes e^tre compris sans analyser la composition de ces forces contestataires et les de'cisions qu'elles ont prises, mais pas non plus sans conside'rer les ope'rations lance'es par les pouvoirs, dans leur reconstruction, contre ces mouvements. De sorte que la situation politique actuelle en Argentine, pre'sente'e officiellement devant le monde entier comme la reconstruction d'une souverainete' fonde'e sur un renouveau de la repre'sentation populaire et sur la recherche d'un nouveau mode`le de de'veloppement e'conomique et social post-Consensus de Washington, ne peut se comprendre sans tenir compte de ce cadre complexe forme' par la crise des politiques ne'olibe'rales s'incarnant dans le " !Que' se vayan todos!", dans le "tempo" politique de ces mouvements dont beaucoup parie`rent sur une participation subordonne'e dans un tel processus et dans les manie`res dont se maintiennent les vieux dispositifs politiques, e'conomiques et sociaux de pouvoir, qui n'ont jamais e'te' ni de'mantele'es ni remplace's. Le bilan sommaire de la nouvelle physionomie qu'adopte l'Argentine plus de deux ans apre`s le gouvernement Kirchner montre donc cet aspect ambivalent : si, d'un co^te', le consensus ne'olibe'ral a vu de'truire ses pre'tentions symboliques a` la le'gitimite', il s'est maintenu dans les conditions d'existence de la vie sociale. Alors que les mouvements les plus radicaux cherchaient a` re'inventer le langage et les pratiques de la lutte politique, adoptant l'autonomie comme base de leur structure organisationnelle et politique, ils eurent a` choisir entre participer de manie`re subordonne'e a` une nouvelle le'gitimite' symbolique ou re'sister, en accusant une perte conside'rable de leur influence sociale, en re'organisant de manie`re souterraine et fragile leurs re'seaux de contre-pouvoir. Il est difficile de dresser le portrait d'une telle situation car le bilan des strate'gies de ces nouveaux acteurs sociaux n'est pas suffisamment mu^r pour permettre de reprendre et re'nover nos lignes d'analyse politique, mais on ne peut pas non plus s'attendre a` ce qu'un tel bilan se fasse inde'pendamment des nouveaux paris et des nouvelles pratiques qui resurgissent de'ja` de fac,on relativement forte dans l'ensemble de notre pays. II. Si le zapatisme a bien de'montre' quelque chose, et se remet de nouveau a` jour de fac,on radicale aujourd'hui, avec la Sixie`me De'claration, c'est qu'il ne s'agit pas d'avoir a` choisir entre la nostalgie de la vie dans les communaute's indige`nes et paysannes du Chiapas et le rejet de tous les e'le'ments de the'orie politique que l'expe'rience chiapane`que a livre's au de'bat politique, dans diffe'rentes parties du monde, a` cause des conditions et du contexte diffe'rents dans lequel se de'roule la vie dans les villes. Cette alternative n'est ni ne'cessaire ni fertile pour tous ceux qui partagent comme re'alite' la me'tropole (qui s'e'tend jusqu'a` la pe'riphe'rie et a` tant d'autres segments urbains re'partis comme autant de petites villes) et recherchent inspiration et e'le'ments valeurs pour leurs propres processus de politisation. Insistons sur ce point : la force des zapatistes ne s'est pas accrue a` partir d'une invitation a` partager l'indige`ne-paysan, mais en nous fournissant a` tous des e'le'ments transversaux puisant dans de telles cultures pour pouvoir circuler parmi nous si nous nous en inventons les moyens d'une manie`re entie`rement nouvelle. Vue sous cet angle, la Sixie`me De'claration acquiert une valeur particulie`re en Ame'rique latine car elle touche en plein le noeud forme' conjointement par la crise d'un mode de le'gitimation de la domination re'gionale, l'ambivalence de nouveaux gouvernements s'efforc,ant de stabiliser le de'fi lance' par ces mouvements, le changement de terrain que les divers mouvements expe'rimentent dans cette nouvelle conjoncture (comme dans la nouvelle conjoncture mexicaine) et la trajectoire du zapatisme lui-me^me. Au niveau continental, la Sixie`me De'claration effectue a` nos yeux une double reconnaissance. De fac,on explicite, elle admet s'inscrire dans les proce`s de lutte ouverts en divers points du continent, mais elle fournit e'galement une orientation consistant a` "tracer des frontie`res" au regard du syste`me politique (a` priori mexicain, mais susceptibles, croyons-nous, d'e^tre e'tendues a` d'autres lieux de ce continent). Ce de'marcage tente de pre'server a` la fois qu'il cre'e les conditions pour le de'ployer le caracte`re autonome de luttes et de mouvements. Comme c'est le cas aujourd'hui au Mexique, ces limites trace'es par le zapatisme impliquent une certaine restriction de la part de son auditoire qui penche en faveur de Lo'pez Obrador en me^me temps qu'elles essaient de pre'server et de de'velopper la perspective d'un terrain politique propre de chaque mouvement et pour eux, qui implique la de'finition du ne'olibe'ralisme en tant qu'une politique de guerre. La Sixie`me De'claration nous apparai^t ainsi comme un opportun manifeste politique qui, en me^me temps qu'il pre'sage par inde'termination l'ouverture d'un espace a` partir de la crise de le'gitimite' du pouvoir politique, pre'vient des strate'gies en marche pour suturer les blessures de ce pouvoir comme des effets d'un e'ventuel blocage. Et si son intervention divise le camp pre'existant par le trace' de frontie`res concernant la formation actuelle de consensus, c'est du^ au fait que, en de'pit de leur flexibilite', ces nouveaux contenus politiques sont produits a` travers des dispositifs qui de'tournent le potentiel d'une re'novation en cours. En effet, la Sixie`me De'claration est un texte pre'cis qui veut interrompre une certaine de'rive des faits : de'rive qui canalise les e'nergies et les conque^tes de luttes de ces dernie`res anne'es vers un renforcement de formes souveraines qui continuent d'e^tre englue'es dans des mode`les traditionnels de repre'sentation et qui tente, avec un grand sens des temps et enjeux, de produire une hypothe`se qui profite du potentiel de la situation actuelle en fonction d'une affirmation a` la fois des mouvements en re'bellion et qui parte d'eux. Le simple fait d'e^tre publie'e en Argentine fait cependant apparai^tre plus de diffe'rences que d'e'quivalences. Le fait est qu'il n'y a rien de comparable avec une "Sexta" chez nous. Non seulement il n'existe pas ici pour de bonnes et de mauvaises raisons une voix autorise'e qui recueille une attention unanime, mais, sans parler d'autorite', nous sommes en panne se`che de textes politiques d'actualite'. Chose qui fait se poser des questions quant aux raisons d'une telle aridite', puisqu'il ne manque pas chez nous ni de volonte' ni de tradition d'e'criture. Effectivement, l'Argentine actuelle semble sous le coup d'une he'sitation oscillant, d'une part, entre un certain e'tonnement sinon enthousiasme devant la rapide stabilisation institutionnelle apre`s la crise et la conque^te d'un discours politique qui fait se rencontrer les vieilles exigences populaires avec les perspectives actuelles du groupe au gouvernement et, d'autre part, une totale indiffe'rence envers les changements annonce's officiellement, fonde'e sur un scepticisme issu dans la persistance de la hie'rarchisation socio-e'conomique et dans la perte de terrain de ceux qui, au plus bas de cette hie'rarchie, en e'taient arrive' a` e'laborer leur propre point de vue avec lucidite' et de'termination. C'est de cette impossibilite' a` renverser une telle dynamique que semble s'alimenter la production actuelle de discours qui viennent occuper le terrain, ne'cessaire, du texte politique. Car si on assiste en effet d'un co^te' a` une forte canalisation des e'nergies sociales par la formule antipolitique re'unissant "gestion e'tatique" et "marketing anti-impe'rialiste", de l'autre, l'affaiblissement de la tentative d'ouvrir un terrain politique propre de ces mouvements et pour eux a conduit, pour l'instant en tout cas, a` re'duire a` ce point l'horizon et les capacite's que tout texte proprement politique est renvoye' a` un futur inde'termine'. A` notre sens, la Sixie`me De'claration nous pre'sente une dimension entie`rement faite de possibilite's a` construire consistant en la pre'servation et le de'veloppement d'un plan appartenant en propre aux mouvements plan qui inclut en me^me temps qu'il transcende de beaucoup les mouvements empiriques et les secteurs organise's au profit d'une dynamique d'une multitude de luttes et d'espaces de cre'ation sociale et qui se distingue clairement tant de la dimension purement e'conomique et sociale restreinte aux ne'gociations des mouvements avec le gouvernement que de la dimension e'troitement de repre'sentation du syste`me politique. Un terrain comme celui-la` avait e'te' ouvert, a` la fin des anne'es 90, chez nous, a` partir de la lutte de ce que l'on a appele' "les mouvements sociaux" qui ont connu la poste'rite' lors de la vertigineuse crise de 2001-2002, quand leur de'veloppement alla de pair avec la de'composition institutionnelle et du syste`me de repre'sentation. A` l'e'poque, loin d'e^tre un inconve'nient, la dispersion des mouvements avait donne' lieu a` une puissance de mobilisation inoui:e et cre'e' des niveaux toujours plus e'leve's et organise's de coordination. Au cours des dernie`res anne'es, la recomposition de la domination politique a acce'le're' la fragmentation de cet espace (qui ne coi:ncide pas a` proprement parler avec la fragmentation de ces mouvements), tandis que paralle`lement l'entrelacs de concepts a` me^me de lire et de produire au sein de ces mouvements des hypothe`ses actives de recomposition se de'faisait. La nouveaute' de la Sixie`me De'claration pour nous pourrait donc bien constituer une sorte d'appel lance' a` notre volonte' et a` notre lucidite' pour tenter d'inverser cette tendance. Collectif Situations, de'cembre 2005. -------------------------------------------- Ce texte est extrait du prologue au livre Bienvenido a la Selva. Dia'logos a partir de la Sexta Declaracio'n de l'EZLN [Bienvenu a` la fore^t (vierge). Dialogue autour de la Sixie`me De'claration de l'EZLN], paru aux e'ditions Tinta Limo'n [Encre sympathique N.d.T] de Buenos Aires, de'cembre 2005, qui rassemble une se'rie d'entretiens re'alise's au Mexique entre juillet et aou^t 2005 et recense's par le Collectivo Situaciones. http://www.situaciones.org/ Traduit par Angel Cai'do. -- To unsubscribe from this list send a message containing the words unsubscribe chiapas95 (or chiapas95-lite, or chiapas95-english, or chiapas95-espanol) to [EMAIL PROTECTED] Previous messages are available from http://www.eco.utexas.edu/faculty/Cleaver/chiapas95.html or gopher to Texas, University of Texas at Austin, Department of Economics, Mailing Lists.