COLLOQUE: ÉCRIRE COMME COMPOSER : LE RÔLE DES DIAGRAMMES les 9 et 10 mai Fondation de l’Allemagne- Maison Heinrich Heine Cité internationale Universitaire de Paris (CIUP) 27C Boulevard Jourdan Paris 14° contourner la Maison internationale par la droite et au fond de l’allée Transports: RER B ou Tramway T3A station Cité Universitaire Le projet de ce colloque est d’étudier le rôle des diagrammes dans la relation entre écriture et composition. Les interactions obscures qu’entretiennent l’écriture et la composition se rapportent, peu ou prou, à l’ordre d’une structure logique et se meuvent dans la sphère des schématismes de l’entendement. Elles trahissent la modalité par laquelle les œuvres musicales tissent des liens fondamentaux entre la géométrie, les topoi et l’ordre sensible. Si la logique formelle échoue à en rendre compte, la question d’une interprétation diagrammatique se pose. S’il est vrai que le diagramme indique une sortie hors des filets de l’inférence logique et sonne le glas de la déductivité, à quels besoins répond-t-il ? Que l’effectivité du diagramme soit recherchée dans l’écriture compositionnelle intéresse toute approche qui prend au sérieux la dimension thétique de l’écriture. La partition est en ce sens l’interprétation incarnée d’une stratégie d’écriture par auto- application des règles et des méthodes. Mais le diagramme, lui- même, en tant qu’il est sa propre écriture, est parfois considéré comme un métalangage inutile, véhicule de sa propre sémantique. La pratique et la critique réflexive de l’écriture diagrammatique (cf. ce que Boulez nomme les « diagrammes d’emploi ») conduisent souvent à « cataloguer » ou « schématiser » le matériau sonore plutôt que de laisser émerger son potentiel. À cela il faut opposer, selon Boulez, le « diagramme conceptuel » qui doit se borner à être une simple « prévision commode pour concevoir l’œuvre globalement » mais ouverte « qui se corrige au fur et à mesure » et « doit accepter absolument la notion d’accident qui pourra le détruire ». Le diagramme (local, partiel) intervient alors comme médiation dans l’une des nombreuses dialectiques qui structurent la pensée musicale. C’est pourquoi il serait fécond d’envisager des diagrammatiques tributaires des champs, procédant d’un voir- comme ou d’un entendre- comme, et mettant en suspens la fonction transitive directe de la productivité d’objets pour des assemblages de traits ou de fonctions-traits. Jeudi 9 mai 2019 Président de séance : Franck Jedrzejewski 9h15 – 9h30 Accueil des participants 9h30 – 10h20 Jean-Marc Chouvel (Université de Paris-Sorbonne) Le flux et l’architecte. La notion de diagramme est-elle pertinente pour un art du temps ? 10h20 – 11h10 Angel Hyeyoung Kim (Institut Jean Nicod, École Normale Supérieure) Music, Consciousness, and Knots 11h10 – 12h Carlos Lobo (CIPh) De la recomposition musicale des diagrammes de la conscience intime du temps par Emmanuel Nunes. Un cas d’interdisciplinarité exemplaire 12h – 12h50 Noëlle Batt (Université de Paris 8) Composer chorégraphiquement. Les matrices graphiques de conception du chorégraphe relèvent-elles d’une diagrammatique ? Président de séance : Moreno Andreatta 14h20-15h10 Antonia Soulez (Université de Paris 8) Le Diagramme, "saut dans l'invérifiable" (Musil) 15h10- 16h Valeria Giardino (Université de Lorraine) La valeur cognitive de la notation musicale 16h – 16h50 Sarah Brault (Université de Toulouse) Le diagramme en tant qu'outils d'écriture : le cas de la partition graphique 16h50 –17h40 -Makis Solomos (Université de Paris 8) Diagramme, schémas, graphiques… La pensée opératoire de l’espace chez Xenakis 17h40 -18h30 Justyna Morawska (Université de Paris 8) L’ouverture étant le propre du diagramme. Sur le processus diagrammatique interdisciplinaire : Metastaseis et Pavillon Philips de Iannis Xenakis Vendredi 10 mai 2019 Président de séance : Carlos Lobo 9h30 - 10h Moreno Andreatta (CNRS/IRCAM) Approches diagrammatiques en musicologie computationnelle : aspects théoriques, cognitifs et épistémologiques 10h20 -11h10 Marc Chemillier (EHESS)De l'interaction instrumentale au sampling : comment les interfaces visuelles des logiciels musicaux ont-ils constitué des diagrammes qui ont bouleversé la création musicale ? 11h10 – 12h Franck Jedrzejewski (CIPh/CEA) Dix thèses sur le diagramme 12h – 12h50 Pascal Decroupet (Université de Nice) Composer avec ou contre les forces suggestives des diagrammes. Étude comparative sur l'interaction entre planification et réalisation chez Boulez, Stockhausen, Pousseur et Ferneyhough Président de séance : Antonia Soulez 4h20 –15h10 Horacio Vaggione (Université de Paris 8) Composer comme écrire : diagrammes et contextes 15h10 – 16h Matthieu Saladin (Université de Paris 8) Le diagramme comme écriture du dispositif chez Alvin Lucier 16h – 16h50 Alavaro Oviedo (Université de Paris 8) Écriture, diagramme, geste musical 16h50 –17h40 Jonas Vinicius (Université de Lisbonne) Amplifying the concept of diagram with techniques of composition Moreno Andreatta CNRS/IRCAM Approches diagrammatiques en musicologie computationnelle : aspects théoriques, cognitifs et épistémologiques Si l'application de méthodes mathématiques en analyse musicale a accompagné l'émergence et le développement de la musicologie systématique en tant que branche autonome de la Musikwissenschaft, l'approche diagrammatique est beaucoup plus récente. Parmi les différentes orientations de la musicologie computationnelle, le paradigme "transformationnel" s'est focalisé sur la dimension non-objectale des constructions théoriques en musique, en ouvrant ainsi la voie à une véritable démarche catégorielle en analyse musicale. En reprenant les réflexions qui nous avaient poussés à proposer un modèle catégoriel de la créativité, nous aimerions montrer le cheminement qui nous a conduit à proposer une formalisation diagrammatique de l'analyse transformationnelle et, en particulier, des réseaux de Klumpenhouwer, dont on a pu étudier plusieurs extensions via la notion de Poly-Klumpenhouwer Networks. Cette formalisation diagrammatique ouvre des questions nouvelles s usceptibles de réactiver le débat philosophique sur l'actualité de la pensée structurale en musique dans ses rapports profonds avec l'informatique musicale et les sciences cognitives. Le travail que nous présentons est mené en collaboration avec Alexandre Popoff, Andrée Ehresmann et Carlos Agon et constitue l'un des axes du projet SMIR (Structural Music Information Research) soutenu par l'USIAS (l'Institut d'Études Avancées de l'Université de Strasbourg). Pour plus d'informations, voir à l'adresse : http://repmus.ircam.fr/moreno/smir <http://repmus.ircam.fr/moreno/smir> Noëlle Batt Université de Paris 8 Composer chorégraphiquement. Les matrices graphiques de conception du chorégraphe relèvent-elles d’une diagrammatique ? Pour les chorégraphes, pas de diagramme à la Bacon comme il peut y en avoir pour les peintres. La rupture du medium qui s ’opère au cours de la conception chorégraphique quand on passe des divers tracés du chorégraphe au mouvement dansé oblige à se poser en d'autres termes la question de la nature diagrammatique éventuelle de ces divers tracés. Ce sont donc p r é c i s é m e n t l e s m o d a l i t é s d ’ u n e d i m e n s i o n diagrammatique d’une autre nature et pourtant en phase avec les fonctions que l’on s’accorde à reconnaître à cet opérateur qu’est le diagramme deleuzien élaboré à partir de Peirce, Foucault et Bacon, que nous entendons explorer à partir d’un corpus emprunté à deux chorégraphes : Trisha Brown et Anne Teresa de Keersmaeker. Sarah Brault Université de Toulouse Le diagramme en tant qu'outils d'écriture : le cas de la partition graphique Depuis le XXe siècle, l'utilisation de diagrammes dans la notation musicale est de plus en plus fréquente. Si cet usage peut sembler être en rupture avec la notation conventionnelle, il ne fait pas pour autant table rase de ses fonctionnements, et se situe parfois même dans un prolongement de celle-ci. Certaines partitions graphiques pouvant être rattachées à des diagrammes permettent au compositeur de garder sous contrôle le temps, les durées et les hauteurs dans la réalisation sonore. Dans de telles circonstances où les paramètres principaux de la partition conventionnelle sont conservés, la question de la pertinence du recours au diagramme dans l'écriture musicale peut se poser. Possédant sa propre sémantique, nous réfléchirons aux nouvelles conceptions compositionnelles engendrées par l'utilisation de diagramme dans l'écriture via la partition graphique, sur les plans formelles, esthétiques ou sonores, ainsi que sur le renouvellement du rapport entre les acteurs dans le processus de création qu'il génère. Marc Chemillier EHESS De l'interaction instrumentale au sampling : comment les interfaces visuelles des logiciels musicaux ont-ils constitué des diagrammes qui ont bouleversé la création musicale ? Le passage du son analogique au son numérique a progressivement remplacé les bandes magnétiques par des logiciels d'enregistrement et de mixage. Ce mouvement s'est accompagné d'une rupture de paradigme dans la création musicale au cours de laquelle le jeu instrumental a été supplanté par des techniques de recyclage de données audio. C'est bien sûr manifeste dans les genres nouveaux apparus au cours de cette mutation (techno, rap), mais cela a également affecté en profondeur d'autres genres musicaux (variétés). Ainsi la conduite du discours dans la création musicale s'est vue transférée de ceux qui jouent des instruments de musique vers ceux qui manipulent des logiciels audio. On étudiera à partir d'exemples empruntés à différents genres cette transformation de la conduite du discours musical sous l'effet des « diagrammes » que sont les interfaces des logiciels musicaux. Cette présentation est liée au développement du logiciel d'improvisation musicale Djazz (http://digitaljazz.fr) mené en collaboration par le CAMS (EHESS) et l'IRCAM à la croisée du jazz et des musiques électroniques. Jean-Marc Chouvel Université de Paris-Sorbonne Le flux et l’architecte. La notion de diagramme est-elle pertinente pour un art du temps ? La notion de diagramme ne va pas de soi pour un art du temps comme la musique. Elle peut s’avérer trompeuse voire complètement inappropriée, car la base conceptuelle de la notion de diagramme ressort d’une pensée de l’espace. Toute la question est donc de comprendre comment la pensée de l’espace peut accéder à l’essence temporelle d’un art comme la musique, qu’est-ce que c’est qu’un « musicogramme ». Le diagramme devient alors le lieu du conflit entre deux ordres : l’ordre de l’espace et celui du temps. Ces ordres, en devenant des axes, inscrivent les relations qu’entretiennent la réalité et le vécu. Le diagramme devient alors le lieu du conflit entre la logique – victoire de l’ordre de l’espace sur l’ordre du temps – et la liberté – revanche de l’ordre du temps sur celui de l’espace –. Il devient peut-être aussi, en allant jusqu’au bout de son essence dynamique, le lieu du conflit entre déterminisme et chaos. On comprendra alors que l’important n’est pas le diagramme comme schème, mais l’opération de lecture que l’on en fait, et qui restitue au temps un privilège que la pensée rationaliste a tendance à lui dénier. Pascal Decroupet Université de Nice Composer avec ou contre les forces suggestives des diagrammes. Étude comparative sur l'interaction entre planification et réalisation chez Boulez, Stockhausen, Pousseur et Ferneyhough. Dans la pensée sérielle des années 1950 et 1960, les élaborations préparatoires concernent des aspects compositionnels très variables. Selon les circonstances, les stratégies adoptées relèvent du principe bottom up (du matériau vers la forme) ou du principe top down (du plan formel vers la définition progressive des détails). Or les différences qui caractérisent ces deux démarches peuvent tantôt être indicatives d'une orientation poétique différente, tantôt d'une modification au sein de la trajectoire d'un même compositeur. Alors que pour Boulez, on procède en général en termes de développement progressif d'un matériau élémentaire (une série ou un autre ensemble de hauteurs) vers la déduction de catégories formelles adaptées, pour Stockhausen prévaut une image façonnée par les plans formels que le compositeur a régulièrement publiés pour ses œuvres à partir des années 1960. Une négociation encore différente se trouve chez Pousseur, q ui développe dès la fin des années 1950 une théorie spécifique de la forme appelée "périodicité généralisée" où il fait interagir selon un ensemble restreint de principes ondulatoires les plans du matériau et du déploiement formel. Quant à Ferneyhough, il est ici pris pour exemple d'une démarche post-sérielle -- autant donc en filiation directe avec la musique sérielle qu'en opposition critique face à cette pensée. Pour Time and Motion Study II, qui appartient à sa phase d'émergence comme compositeur célébrant une certaine complexité, les préparations concernent autant le niveau morphologique que les principes de distribution au niveau de la forme. D'une part, la présente contribution cherche à nuancer les usuelles considérations simplificatrices pour montrer comment les deux approches interagissent continuellement chez chacun de ces compositeurs. D'autre part, elle permettra de comparer, sur la base de situations concrètes, des poétiques adoptées par deux générations successives de compositeurs après 1945 pour s'interroger sur les éventuelles modifications en profondeur de la poétique de la recherche en composition mais aussi sur leurs similarités cachées. Valeria Giardino Université de Lorraine La valeur cognitive de la notation musicale Dans cette intervention, nous allons considérer l’influence cognitive que le choix d’une notation musicale peut avoir sur la composition. Dans nos études précédentes, nous avons soutenu que les diagrammes ainsi que la notation en mathématique doivent être considérés comme des outils cognitifs “dynamiques” qu’il faut manipuler, changer, réécrire pour explorer les propriétés de ce qu’ils représentent. Nous allons explorer si cette vue peut être étendue à l’utilisation de la notation dans la composition musicale, en tant que outil également dynamique. Angel Hyeyoung Kim Institut Jean Nicod,École Normale Supérieure,Paris Music, Consciousness, and Knots The process of understanding music represents a fundamental aspect of the activity of our consciousness, in the sense that it reveals the core elements of temporality and the interactive connectivity of consciousness. There are multiple layers of interactive connectivity in the process of making, playing, and listening to music, such as the interactive connection between the musician and the audience, between the current, upcoming, and previous notes, and between ‘I’ as the player and ‘I’ as the listener of the music. These interconnective activities in music are temporal, but their interactive relationships can be shaped in spatial dimensions. I attempt to analyze the structure of conscious activities in music with knot theory in order to make the temporal and interactive relationships and activities visible, and hence understandable. Knot models and their logic of mutuality as developed by Louis Kauffman will be applied to visualize what happens in music. Franck Jedrzejewski CIPh/CEA Dix thèses sur le diagramme À travers dix thèses, nous proposons une approche du diagramme qui le distingue de la figure, mais aussi du schème transcendantal kantien et de la structure de Lévi-Strauss et du courant structuraliste. Comme Gilles Deleuze l'a bien montré, le diagramme est un ensemble de rapports de forces, un territoire d'intensités qui donnent à penser une topologie générale de ce qu'il cartographie. Dans les diagrammes de compositeurs ou de théoriciens de la musique, les agencements des choses et des objets, des lignes et des intensités se doublent de dispositifs fonctionnels, de formes et d'énergie, qui relèvent à la fois de la subjectivité et de la stratification de ses composants. Dans la lignée des processus discursifs analysés par Michel Foucault dans l’Archéologie du savoir, et des stratagèmes allusifs de Gilles Châtelet, l’approche diagrammatique que nous proposons se révèle comme un dispositif d’amplification des virtualités, que nous illustrons sur des exemples musicaux ou de théorie de la musique. Dans les algèbres néo-riemanniennes, le "tonnetz" de Leonhard Euler, redécouvert par Arthur von Oettingen et commenté par Hugo Riemann a pris une importance considérable dans la façon de disposer et de représenter les hauteurs de notes. La théorie de David Lewin a donné un caractère mathématique à ces recherches, qui, avec l'apparition des réseaux de Klumpenhouwer, ont permis de cartographier topologiquement des organisations tonales. Bien que connu, ce cadre tonal ne laissait pas découvrir le tissu de l'ensemble de ses relations et de leurs interactions. Les "orbivariétés" de Dmitri Tymoczko ont apporté une autre dimension à notre perception structurelle de la musique. D'autres exemples montrent la multiplicité spatio-temporelle des diagrammes. La théorie m athématique des nœuds et des entrelacs fournit un modèle diagrammatique de la série schönbergienne qui rend compte de l'organisation sérielle. Un exemple de cette cartographie diagrammatique est l'analyse que nous présentons d'une pièce de Jean Barraqué "Au-delà du hasard". La modélisation par des tresses de l'improvisation libre, telle qu'on la trouve de la naissance du free jazz aux musiques improvisées actuelles, a aussi un soubassement mathématique non évident. Enfin, la complétude de certains objets mathématiques, comme les systèmes de blocs, trouvent chez des compositeurs minimalistes un mélange formel de forces et de matériaux. Entre l'énonçable et le visible, le diagramme, dans son rôle de passeur entre l'actuel et le virtuel, est un témoin de ce que composer signifie. Carlos Lobo CIPh De la recomposition musicale des diagrammes de la conscience intime du temps par Emmanuel Nunes. Un cas d’interdisciplinarité exemplaire La poétique musicale d'Emmanuel Nunes s’est installée expressément dans une relation d’interdisciplinarité avec des réflexions phénoménologiques husserliennes sur la conscience du temps, qui, loin de la ravaler au rang de simple illustration idéologique d’une théorie artistique, donne lieu à une opération de transfert méthodique et de production conceptuelle d’une rare maîtrise. Nunes disloque et déplace les exemples typiques du son et de la mélodie, « unités esthétiques » perçues par u n « s p e c t a t e u r - a u d i t e u r t r a n s c e n d a n t a l » , e n les envisageant comme autant d’« unités compositionnelles » , pour ainsi dire pré-constituées par un « compositeur transcendantal ». En invitant l’esthétique musicale (et l’auditeur) à se mettre à l’écoute de la “virtuosité innée des actes de conscience”, Nunes enrichit et approfondit l'esthétique transcendantale elle-même, entendue comme étude de la constitution du temps et de l’espace comme formes a priori de l’expérience en général. Justyna Morawska Université de Paris 8 L’ouverture étant le propre du diagramme. Sur le processus diagrammatique interdisciplinaire : Metastaseis et Pavillon Philips de Iannis Xenakis Qu'est-ce qu'un diagramme ? Ou, plus précisément, quels sont les aspects qui permettent de déterminer une manière de faire ou penser comme diagrammatique ? Cette interrogation, née dans le contexte de la pratique architecturale, est en effet une question interdisciplinaire, et c'est dans un premier temps au-delà du domaine d'architecture que les pistes pour la réponse vont être cherchées – et notamment dans la philosophie de Ludwig Wittgenstein et Nelson Goodman. Une première identification des traits caractéristiques du diagramme émerge à travers la question : quelle est la différence entre l'image et le diagramme ? Conformément à la théorie des symboles de N. Goodman, la différence entre l'image et le diagramme, si on les considère comme symboles, se baserait avant tout sur la manière de les lire, et non pas sur leurs caractéristiques graphiques. Il s’agit d’une conception qui écarte d'emblée la possibilité que la différence puisse se baser sur le schématique du diagramme et la ressemblance de l'image. Quel que soit l'aspect formel de l 'objet (croquis, l igne, dessin), ses qualités diagrammatiques se révéleraient par la possibilité de lui donner différents sens, de laisser le choix de son application, de le voir et de l'utiliser de différentes manières. Dans ce sens, la conception du diagramme venant de l'exploration de la philosophie de N. Goodman recouperait la notion wittgensteinienne de voir comme. C’est donc à travers la notion de voir comme et sa relation avec la notion du diagramme (explicitée par le biais de la pensée de N. Goodman) - que l’on peut contempler le travail de Iannis Xenakis : musicien, architecte et ingénieur. Son œuvre musicale Metastaseis et son projet architectural du Pavillon Philips pour l’Exposition Universelle à Bruxelles en 1958, témoignent d’un lien frappant entre ses expérimentations musicales et recherches architecturales. Une préoccupation commune pour les deux créations – celle de la continuité, d’aller d’un point à l’autre sans interruption – trouve une représentation formelle : un nombre des lignes droites, qui changent progressivement leur inclinaison, et dont les points de départ sont positionnés à intervalles égaux. Selon le cas, la forme en question fonctionne comme la notation musicale des glissandi de Metastaseis ou le principe de la surface réglée en béton armé de Pavillon Philips. Cette représentation graphique de la continuité se distingue donc par une ouverture - relative à l’emploi et à la lecture de la forme – capable de traverser les domaines. Le rapprochement de cet aspect ouvert avec la notion de voir comme que nous avons suggéré comme constitutive du diagramme, permet d’examiner, tel est le parti pris de cette proposition, le travail de I. Xenakis en tant qu’un processus diagrammatique interdisciplinaire. Alavaro Oviedo Université de Paris 8 Écriture, diagramme, geste musical Dans l’un de ses cours au Collège de France, Pierre Boulez pose la question de la technique d’écriture comme révélatrice de nouveaux gestes compositionnels : « En quoi la plongée dans la technique peut-elle être libératrice ? et faire découvrir des gestes expressifs auxquels nous n’étions pas préparés ? (« Le geste du compositeur », Leçons de musique). Préméditées, les opérations de l’écriture peuvent néanmoins avoir des conséquences imprévues. C’est le cas de l’émergence d’une dimension diagonale dans l’opus 23 de Schonberg. C’est le cas de la bifurcation dans l’œuvre de Messiaen autour de 1950, forcée par un problème d’écriture, la systématisation de la dimension rythmique. Nous analyserons le rapport de ces opérations abstraites d’écriture avec la composition non plus comme un simple schématisme mais comme diagramme, ouvrant vers des dimensions virtuelles. Mais il faudra surtout aller voir du côté de composi teurs comme György Kurtág et Helmut Lachenmann, qui partent dans leur écriture du geste instrumental, pour pouvoir aborder pleinement le geste du diagramme. Matthieu Saladin Université de Paris 8 Le diagramme comme écriture du dispositif chez Alvin Lucier Sans être exclusif, le recours aux diagrammes est suffisamment récurrent dans les partitions d’Alvin Lucier pour en interroger les visées et les fonctions : quelles relations aux interprètes et aux auditeurs instaurent-ils ? En quoi celles-ci diffèrent-elles des situations d’interprétation et de réception propres aux autres modes compositionnels ? Comme le remarque son collègue du Sonic Arts Union, Robert Ashley, dans la scène expérimentale nord-américaine du milieu des années 1960 où voient le jour les premiers opus de Lucier, les diagrammes participent – conjointement à d’autres formes comme les protocoles de performance, les programmes informatiques ou encore les schémas électroniques – d’une critique plus large de l’écriture solfègique traditionnelle. Mais leurs qualités graphiques semblent impliquer chez le compositeur d’autres enjeux qui concernent plus directement la réalisation concrète des œuvres, pensée comme activation au croisement de l’observation et de l’action au sein de dispositifs susceptibles d’engendrer la manifestation des phénomènes acoustiques recherchés. Le diagramme serait alors à la fois partition et plan pour l’énonciation d’œuvres qui, bien que pleinement performatives et bien souvent instrumentales, prennent la forme d’installations. Pour saisir ces déplacements dans la relation aux interprètes et aux auditeurs, il nous faudra retourner aux origines formelles multiples de l’écriture diagrammatique de Lucier. Ces diagrammes empruntent, en effet, leur graphisme à la fois aux schémas des circuits électroniques, à l’imagerie scientifique des manuels d’acoustique ou e ncore aux expérimentations graphiques menées un peu plus tôt par l’École de New York. Il apparaîtra que c’est l’entremêlement même de ces filiations qui établit, chez Lucier, le diagramme comme une écriture propre au dispositif. Makis Solomos Université de Paris 8 Diagramme, schémas, graphiques… La pensée opératoire de l’espace chez Xenakis Le rôle des graphiques est fondamental dans le travail de Xenakis. Nous y rencontrons toutes sortes de schémas graphiques, allant d’esquisses morphologiques jusqu’à ce qu’on appelle parfois des « partitions graphiques ». Dans sa musique électroacoustique, nous avons également des schémas de montage très complets. Cette communication, qui sera abondamment illustrée par des exemples issus des archives de Xenakis, réfléchira au rôle de ces schémas, graphiques, diagrammes…, et à l’extraordinaire diversité des situations musicales qu’ils impliquent. Antonia Soulez Université de Paris 8 Le Diagramme, "saut dans l'invérifiable" (Musil) Le caractère perceptuel de la saisie des graphismes notationnels, en analogie (de structure) avec la notation musicale, suggère un "tournant visuel de la pensée" (R. Arnheim) chez l'auteur du Tractatus, dont on fait parfois un précurseur de l'âge de "l'oralité seconde" ouvert par la technologie électronique. "Philosophe des multiplicités" comme Deleuze, le Wittgenstein qui a fait sauter le verrou de l' apriori, nous entraîne sur le papier vers des constellations nouvelles d'opérations dont on remarque la force productive d'inventivité. Le diagramme s'y présente comme un graphisme de possibilités à construire en régime d'interdisciplinarité. L'opérateur-clef de la transformation est l'aspect attaché au "voir-comme" (inspirant pour un musicien tel H. Lachenmann ). Les PLA (prédicats de ressemblance de famille) s'étoilent moyennant des apparentements toujours plus fins de l'intérieur d'une connexion intermédiaire. Quand Wittgenstein déclare que la philosop hie ne devrait que dichten, il évoque ces traits de condensation par application d'un symbolisme en contexte, qui est producteur de formes nouvelles. Le "mouvement de pensée" Denkbewegung (vs Gedanke selon Frege) que Wittgenstein attribue au compositeur qu'il aurait voulu être, met ainsi "l'oreille à l'esprit" (E. Mach). Une fois la linéarité de l'écriture logique de l'inférence abandonnée (moment que Aldo Gargani appelle la "dissolution analytique") se déploient en schémas arborescents ouverts, des clusters (G. Baker) figurant une "densité de relations" que Musil qualifie de "Gestalt". Aussi voit-on le mouvement de pensée tracé "au crayon" ("I think with my pen") varier de motif en motif ou Gestalt (Musil), suivant la "synopsis" goethéenne, à-même le symbolisme. D'où des procédures d'"auto-application" sémantique caractéristique d'un processus compositionnel, vu qu'il n'y a pas de "méta-harmonie" (Wittgenstein). "Sous l'aspect de" la musique, la langue, devient le spectre sonore de formes- gestes pour un "saut dans l'invérifiable" (Musil). Sous l'aspect de la philosophie, l'acte compositionnel est d'une certaine façon expressif d'un "mouvement de pensée". Ainsi, A. Gargani comparant Wittgenstein et Schoenberg (La main heureuse) a commenté cette "logique atonale" des PLA qui se déploie comme les harmoniques éloignées à partir d'aspects agissant tels des pôles de variations dans la démarche du compositeur. Le moment philosophique de la Dichtung saisi sous l'aspect de la musique entre alors en résonance (Merleau-Ponty, L'éloge de la philosophie) avec le "mouvement de pensée" du compositeur au moment où il étend plus loin les "lois musicales profondes" du matériau au delà du système reçu tonal). Ainsi procèderait une certaine inventivité du philosophe (qui n'a pas d'"objets" propres), par l'action en retour de l'élaboration d'une technique dans un autre registre. Nous approfondirons cette circulation d'"aspects" d'un registre à l'autre, fructueux pour la diagrammatisation du "mouvement de pensée". Horacio Vaggione Université de Paris 8 Composer comme écrire : diagrammes et contextes Il s’agira d’identifier, dans un processus de composition musicale, le domaine où se manifeste une pensée de type diagramatique, et quelle est la part, par-delà des représentations quelconques, qui pourrait se penser comme étant le lieu d’une élaboration de contextes musicaux (et ceci, sans recourir à aucune approche de type dualiste). Comment s’articule une projection de contextes musicaux par rapport à une élaboration de schèmes structuraux ? Composer comme écrire, dans la situation du musicien face au « composable », revient à affirmer une action qui n’est pas symétrique avec un agencement de macro-traits syntaxiques d’aucune espèce. Jonas Vinicius Université de Lisbonne Centre for Philosophy of Science of the University of Lisbon, Foundation for Science and Technology (PT) Amplifying the concept of diagram with techniques of composition The background of this presentation is the philosophical debate around the concept of diagram.Two main lines of thought guide this proposal. Firstly, I assume that there are types and functions of diagrams, already implied in C. S. Peirce's concept of diagram, that are yet to be unfolded - namely, the notions of multi-sensorial diagrams and their iconic (non-symbolic) functions. Secondly, I argue that techniques of musical composition offer us a rich repository of diagrammatic signs and functions that can be used to amplify the concept of diagram. The compositional techniques I use as amplifiers of the concept of diagram in this presentation come from the Brazilian composers Villa Lobos and Silvio Ferraz. In Villa Lobos' technique of millimetrization, the visual diagram does not function as a symbolic representation nor as an overall plan, but rather as a productive motif, a device that introduces possibilities — therefore, aniconic function. In Ferraz's compositional pra ctices, the participation of schemas operating outside symbolic and representational regimes goes even beyond visual lines and mobilizes also gestures and acoustic elements that function as non-visual iconic diagrams. With this approach — that also relies on insights of Deleuze, Châtelet, and Mazzola —, nuances of the concept of diagram are unfolded by using compositional techniques as a point of view, and at the same time, philosophy of music will be offered an amplified concept of diagram capable of making the poietic movement of composition resonate louder. En vous priant de nous excuser pour les multiples doublons. -- Pour toute question, la FAQ de la liste se trouve ici: https://www.vidal-rosset.net/