Bonjour,
je vous fait suivre un message sur la sortie de l'excellent livre de
Florent Latrive "Du bon usage de la piraterie" dans lequel il est
question de propriété intellectuelle et de brevets. L'adresse pour le
télécharger est à la fin du message.
Bonne lecture
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Bonjour,
Je voudrais vous faire partager mon enthousiasme pour le livre de
Florent Latrive qui vient de paraître aux édition Exils : "Du bon usage
de la piraterie". Il s'agit du premier livre en français qui fasse le
tour de la question de la "propriété intellectuelle", et qui souligne à
la fois :
- les dangers que portent les tentatives intégristes actuelles : la
connaissance, la culture, l'information, ne peuvent être des propriétés
"comme les autres", mais sont au contraire inscrites dans une dynamique
collective et coopérative. Vouloir réduire la "propriété intellectuelle"
à des droits du possesseur de "porte-feuille" (brevets, copyrights,...)
c'est passer à côté de la façon dont l'ensemble de la société, les
auteurs, mais aussi les lecteurs, les auditeurs, les innovateurs et
créateurs précédents... agissent au sein de chaque oeuvre ou invention
pour élargir le spectre global de l'intelligence humaine.
- les méthodes d'élargissement du domaine public de la connaissance
et de la culture que mettent en oeuvre les mouvements de libertés qui
agissent au sein de la création et de l'innovation (mouvement des
logiciels libres, mouvement des chercheurs pour le libre-accès à la
science, mouvement des fermiers contre le monopole sur les semences,
mouvement des "creatives commons", décisions des pays du Sud d'autoriser
la copie de médicaments...)
Copier, utiliser, reproduire, faire circuler la culture et la
connaissance est au coeur même de l'activité de création et d'invention.
Les droits de "propriété intellectuelle" sont alors par nature des
droits particuliers, truffés d'exceptions, partant d'un équilibre entre
le soutien à l'activité créatrice et le bénéfice global de la société
(les "droits des lecteurs"). Ce n'est qu'une tendance très récente qui
vise à déformer cet équilibre pour considérer les droits de propriété
intellectuelle sur le même régime que les droits patrimoniaux. Au mépris
des besoins de l'ensemble de la société (par exemple des malades du SIDA
qui ne peuvent acheter les médicaments dont l'industrie pharmaceutique
veut interdire la copie). Et au mépris de ce qui reste dans chaque
activité intellectuelle des autres créations (du passé, mais aussi du
travail de co-construction des lecteurs, auditeurs, spectateurs, et même
des testeurs des industries innovantes).
Le livre de Florent Latrive est écrit avec la plume allègre d'un
journaliste, truffé d'exemples, de portraits, de situations concrètes.
Il est aussi celui d'un penseur qui refuse le modèle dominant pour
interroger la cohérence des diverses orientations qui prônent la
"marchandisation" de la propriété intellectuelle. Et dès lors, sous sa
plume, c'est un tour d'horizon de la construction des nouvelles
barrières qui s'installent sur la connaissance (les "new enclosures" en
référence au guerres liées à la privatisation des terrains communaux au
17ème siècle). C'est aussi un recensement des ouvertures, des brêches
portées dans ces nouvelles barrières par les acteurs mêmes de la
création et de l'innovation. C'est un monde en couleur, d'où émergent
des figures actives, joyeuses et déterminées, comme celle de Larry
Lessig (qui écrit la préface) ou de Richard Stallman.
C'est un livre court et précis où sont mis à rude épreuve les tenants
des DRM, ces contrats automatiques limitant les possibilité d'écoute ou
d'usage des fichiers numériques; les partisans de la manière forte qui
consiste à traiter tout un chacun de "pirate de salon" et à convier au
tribunal des gamines de 12 ans ; les avocats de la politique inhumaines
des trusts pharmaceutiques ; ou les stratégies des semenciers contre la
nature elle même, cette grande copieuse qui fait de chaque graine une
plante portant des graines.
En quelques heures de lecture vivante et éclairée, se dessine le paysage
d'un combat majeur du 21ème siècle : celui de la privatisation intégrale
de la connaissance auquel s'oppose la construction d'un domaine public
élargi, visant au partage et à la coopération de la culture et de
l'invention.
Car ce n'est pas un des moindres mérites du livre de Florent Latrive que
de dessiner des réelles perspectives. En s'appuyant pour cela sur les
expériences concrètes de créateurs qui choisissent une autre voie. L'axe
central des perspectives qu'il trace porte sur la notion de "domaine
public". Et de constater qu'au delà du domaine public historique (le
patrimoine constitué par les oeuvres du passé) divers mouvements veulent
ajouter des créations récentes pour construire un "domaine public
consenti" : le mouvement des logiciels libres a ouvert la voie avec
l'invention de la GPL (General Public Licence). Suivi par les "Creative
commons", la diffusion des musiques en mp3 par leurs propres auteurs
(par exemple Gilberto Gil, par ailleurs ministre de la culture du
Brésil), les paysans qui défendent les semences fermières,...
En filigrane se dessine aussi une véritable "politique de l'immatériel".
On est loin des pseudo-évidences et des discours simplistes des
intégristes des droits de propriété intellectuelle. Florent Latrive
évalue l'impact de la numérisation (qui crée de l'abondance dans le
domaine de la culture et de la connaissance) et des conséquences que
cela peut avoir pour l'organisation coopérative du monde. Combien de
rêves de partage peuvent ainsi de mettre en place ? Et dès lors comment
trouver les modèles économiques adaptés à cette évolution technique,
modèles qui permettent l'existence d'un secteur immatériel (rétribution
des créateurs et des intermédiaires qui participent à la création) sans
oblitérer les perspectives ouvertes par le numérique.
Des descriptions, des critiques, des propositions : réussir à mener
tout cela de front dans 150 pages à l'écriture limpide Bravo Florent
Latrive.
Hervé Le Crosnier (cette revue critique est de libre diffusion : licence
Creative Commons by-nc-sa)
Le livre "Du bon usage de la piraterie" par Florent Latrive
est publié aux Editions Exils. Une version numérique pour le
partage est diffusée en Creative commons by-nc-sa sur le site :
http://www.freescape.eu.org/piraterie