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Une pensée pour nos frères déportés
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« Lorsqu'un homme crie : "vive la liberté », il pense évidemment à la
sienne ». On peut sans lèse-majesté confronter cette expertise de
Bernanos à la récente sortie présidentielle. Tant la liberté y figure
à bonne place. Tellement le président y prend de libertés
personnelles. Dans son décor hivernal de choc. Si loin des taules
chauffantes et surpeuplées, ensevelies dans les dunes, sous les feux
d'un état  pyromane.  

Liberté retrouvée
Dans son improvisation cathodique, le président a fortement plaidé
pour la liberté d'expression. A juste titre, il illustre
officiellement que cet acquis marginal d'une transition ratée
s'enracine enfin dans l'opinion. Non pas par la force d'une loi
imposée par un régime illégitime et agissant sous la contrainte. Ni en
raison d'une veille citoyenne de renom. Ni en vertu d'un surplus
démocratique inscrit à son nom. 
Non, la liberté d'expression retrouvée n'était pas vraiment perdue.
Inscrite dans le tempérament indigène, elle fut délibérément dédiée
aux tentations serviles et endémiques. Liberté illimitée d'applaudir.
Sans raison ni interruption. Liberté impunie de punir toute critique.
Liberté compétitive de privatiser et de personnaliser la chose
publique. Liberté outrée de braquer les gazras du domaine de la
république. Liberté innée de marcher sur les platebandes de l'autorité
étatique. Liberté fondatrice de s'imposer à son voisin. 
Dans son plaidoyer pour les excès de liberté, le président va jusqu'à
légitimer la liberté nocive du journalisme multiservice qui s'acharne
et épargne alternativement. Il prend même l'excessive liberté de
dénoncer le devoir d'information qu'il accuse de suralimenter la
famine et ses nuits sans lumière ni fin. Tout en s'offusquant sans
mesure des réserves murmurées par sa timide opposition. Toutes
mauvaises herbes dans les vertes prairies de sa présidence. Un jardin
d'hiver pour radoucir la sécheresse du discours dans la conscience des
braves gens. Drôle de plaidoyer pour la liberté de parole qui en abuse
tant dans l'ameublement de son entregent: « men3oum e3lih outewv »
(sacré lui, pour de bon !) comme disent les mémés dans les
«bidondunes» d'avant.

La bataille des cent jours
Pour autant le vainqueur du premier tour de la présidentielle ne
remporte pas la bataille des cent jours de son avènement. Une chicane
politicienne sur le parcours ingrat de son gouvernement dont il
pouvait se dispenser allègrement pendant son mandat d'«omniprésident».
Tout un quinquennat durant. Mais le chef de l'état choisit de prendre
les devants. Et il est le seul maître de son temps !
Sur le fond comme dans la forme, le président qui « rassure» devient
de plus en plus sûr de lui et de moins en moins rassurant. Face à ses
ralliés du second tour et du gouvernement, il est plus
qu'entreprenant. Voire dirigiste et dominant. Pour qui reçut son
premier discours à la nation comme une volonté de justice et de
changement, son interview hivernale limite les encouragements. Comme
pour les populations démunies, son économisme savant ne prévoit pas de
répit dans les crises du moment. 
En se désolidarisant de son premier ministre sur la reconnaissance
officielle de la responsabilité historique de l'état, le président
abandonne les questions nationales aux sabotages partisans. Aux
tropismes menaçants qui croisent de conserve contre le cours des
évènements. Les déportés du futur en sont définitivement amalgamés aux
rapatriés d'ailleurs et autres victimes d'antan. Aux immigrants
errants et envahissants. Les panarabistes survivants s'acharnent
contre des panafricanistes conjoncturellement conciliants. Malgré leur
retenue du moment, ces derniers sont conspués tels des ennemis
intransigeants. Comme pied de nez à l'unité de la nation, on ne peut
imaginer plus menaçant. A l'heure où dans l'armée les purges se
succèdent en additionnant les raisons de soulèvement. Le chef
d'état-major qui vient d'être écarté n'est-il pas souvent cité comme
l'officier le plus populaire au sein des troupes et leur chaîne de
commandement?

Cheikh Touré
http://contre-x.blogspot.com/
Article paru dans la Tribune N°361 du 7 août 2007


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