COLLOQUE:
 
ÉCRIRE COMME COMPOSER : LE RÔLE DES DIAGRAMMES

les 9 et 10 mai

Fondation de l’Allemagne- Maison Heinrich Heine
Cité internationale Universitaire de Paris (CIUP)
27C Boulevard Jourdan Paris 14°
contourner la Maison internationale par la droite et au fond de l’allée
Transports: RER B ou Tramway T3A station Cité Universitaire 


 

Le projet de ce colloque est d’étudier le rôle des diagrammes dans la relation 
entre écriture et composition. Les interactions obscures qu’entretiennent 
l’écriture et la composition se rapportent, peu ou prou, à l’ordre d’une 
structure logique et se meuvent dans  la  sphère des schématismes de 
l’entendement. Elles trahissent la modalité par laquelle les œuvres musicales 
tissent des liens fondamentaux entre la géométrie, les topoi et l’ordre 
sensible. Si la logique formelle échoue à en rendre compte, la question d’une 
interprétation diagrammatique se pose. S’il est vrai que le diagramme indique 
une sortie hors des filets de l’inférence logique et sonne le glas de la 
déductivité, à quels besoins répond-t-il ? Que l’effectivité du diagramme soit 
recherchée dans l’écriture compositionnelle intéresse toute approche qui prend 
au sérieux la dimension thétique de l’écriture. La partition est en ce sens 
l’interprétation incarnée 
 d’une stratégie d’écriture par auto- application des règles et des méthodes. 
Mais le diagramme, lui- même, en tant qu’il est sa propre écriture, est parfois 
considéré comme un métalangage inutile, véhicule de sa propre sémantique. La 
pratique et la critique réflexive de l’écriture diagrammatique (cf. ce que 
Boulez nomme les « diagrammes d’emploi ») conduisent souvent à « cataloguer » 
ou « schématiser » le matériau sonore plutôt que de laisser émerger son 
potentiel. À cela il faut opposer, selon Boulez, le « diagramme conceptuel » 
qui doit se borner à être une simple « prévision commode pour concevoir l’œuvre 
globalement » mais ouverte « qui se corrige au fur et à mesure » et « doit 
accepter absolument la notion d’accident qui  pourra  le détruire ». Le 
diagramme (local, partiel) intervient alors comme médiation dans l’une des 
nombreuses dialectiques qui structurent la pensée musicale. C’est pourquoi il 
serait fécond
  d’envisager des diagrammatiques tributaires des champs, procédant d’un voir- 
comme ou d’un entendre- comme, et mettant en suspens la fonction transitive 
directe de la productivité d’objets pour des assemblages de traits ou de 
fonctions-traits.

Jeudi 9 mai 2019
Président de séance : Franck Jedrzejewski
9h15 – 9h30    Accueil des participants
9h30 – 10h20  Jean-Marc Chouvel (Université de Paris-Sorbonne) 
                       Le flux et l’architecte. La notion de diagramme est-elle 
pertinente pour un art du temps ?
 

10h20 – 11h10 Angel Hyeyoung Kim (Institut Jean Nicod, École Normale 
Supérieure) 
                     Music, Consciousness, and Knots

 
11h10 – 12h    Carlos Lobo (CIPh)
De la recomposition musicale des diagrammes de la conscience intime du temps 
par Emmanuel Nunes. Un cas d’interdisciplinarité exemplaire
 
12h – 12h50    Noëlle Batt (Université de Paris 8)

                     Composer chorégraphiquement. Les matrices graphiques de 
conception du chorégraphe relèvent-elles d’une diagrammatique ?

 
Président de séance : Moreno Andreatta

14h20-15h10 Antonia Soulez (Université de Paris 8) 
                     Le Diagramme, "saut dans l'invérifiable" (Musil)
15h10- 16h      Valeria Giardino (Université de Lorraine) 
                     La valeur cognitive de la notation musicale
16h – 16h50    Sarah Brault (Université de Toulouse)
Le diagramme en tant qu'outils d'écriture : le cas de la partition graphique
 

16h50 –17h40 -Makis Solomos (Université de Paris 8) 
                     Diagramme, schémas, graphiques… La pensée opératoire de 
l’espace chez Xenakis
  17h40 -18h30 Justyna Morawska (Université de Paris 8) 
                     L’ouverture étant le propre du diagramme. Sur le processus 
diagrammatique interdisciplinaire : Metastaseis et Pavillon Philips de Iannis 
Xenakis




Vendredi 10 mai 2019
  
Président de séance : Carlos Lobo

9h30 - 10h Moreno Andreatta (CNRS/IRCAM)
Approches diagrammatiques en musicologie computationnelle : aspects théoriques, 
cognitifs et épistémologiques

10h20 -11h10 Marc Chemillier (EHESS)De l'interaction instrumentale au sampling 
: comment les interfaces visuelles des logiciels musicaux ont-ils constitué des 
diagrammes qui ont bouleversé la création musicale ?

 
11h10 – 12h    Franck Jedrzejewski (CIPh/CEA)
Dix thèses sur le diagramme
12h – 12h50    Pascal Decroupet (Université de Nice)
Composer avec ou contre les forces suggestives des diagrammes. Étude 
comparative sur l'interaction entre planification et réalisation chez Boulez, 
Stockhausen, Pousseur et Ferneyhough
 

 
       Président de séance : Antonia Soulez

4h20 –15h10 Horacio Vaggione (Université de Paris 8)
                    Composer comme écrire : diagrammes et contextes

15h10 – 16h Matthieu Saladin (Université de Paris 8)
Le diagramme comme écriture du dispositif chez Alvin Lucier
16h – 16h50 Alavaro Oviedo (Université de Paris 8) 
                    Écriture, diagramme, geste musical
 

16h50 –17h40 Jonas Vinicius (Université de Lisbonne)
                    Amplifying the concept of diagram with techniques of 
composition
 

Moreno Andreatta CNRS/IRCAM
Approches diagrammatiques en musicologie computationnelle : aspects théoriques, 
cognitifs et épistémologiques

Si l'application de méthodes mathématiques en analyse musicale a accompagné 
l'émergence et le développement de     la musicologie systématique en tant que 
branche autonome de la Musikwissenschaft, l'approche diagrammatique est 
beaucoup plus récente. Parmi les différentes orientations de la musicologie 
computationnelle, le paradigme "transformationnel" s'est focalisé sur la 
dimension non-objectale des constructions théoriques en musique, en ouvrant 
ainsi la voie à une véritable démarche catégorielle en analyse musicale. En 
reprenant les réflexions qui nous avaient poussés à proposer un modèle 
catégoriel de la créativité, nous aimerions montrer le cheminement qui nous a 
conduit à proposer une formalisation diagrammatique de l'analyse 
transformationnelle et, en particulier, des réseaux de Klumpenhouwer, dont on a 
pu étudier plusieurs extensions via la notion de Poly-Klumpenhouwer Networks. 
Cette formalisation diagrammatique ouvre des questions nouvelles s
 usceptibles de réactiver le débat philosophique sur l'actualité de la pensée 
structurale en musique dans ses rapports profonds avec l'informatique musicale 
et les sciences cognitives.
Le travail que nous présentons est mené en collaboration avec Alexandre Popoff, 
Andrée Ehresmann et Carlos Agon et constitue l'un des axes du projet SMIR 
(Structural Music Information Research) soutenu par l'USIAS (l'Institut 
d'Études Avancées de l'Université de Strasbourg). Pour plus d'informations, 
voir à l'adresse : http://repmus.ircam.fr/moreno/smir 
<http://repmus.ircam.fr/moreno/smir>
 
Noëlle Batt Université de Paris 8
Composer chorégraphiquement. Les matrices graphiques de conception du 
chorégraphe relèvent-elles d’une diagrammatique ?

Pour les chorégraphes, pas de diagramme à la Bacon comme il

peut y en  avoir  pour  les  peintres. La  rupture  du  medium  qui s ’opère au 
cours de la conception chorégraphique quand on passe des divers tracés du 
chorégraphe au mouvement dansé oblige à se poser en d'autres termes la question 
de la nature diagrammatique éventuelle de ces divers tracés. Ce sont donc  p r 
é c i s é m e n t l e s m o d a l i t é s d ’ u n e d i m e n s i o n 
diagrammatique d’une autre nature et pourtant en phase avec les fonctions que 
l’on s’accorde à reconnaître à cet opérateur qu’est le diagramme deleuzien 
élaboré à partir de Peirce, Foucault et Bacon, que nous entendons explorer à 
partir d’un corpus emprunté à deux chorégraphes : Trisha Brown et Anne Teresa 
de Keersmaeker.
 
Sarah Brault Université de Toulouse

Le diagramme en tant qu'outils d'écriture : le cas de la partition graphique

Depuis le XXe siècle, l'utilisation de diagrammes dans la notation musicale est 
de plus en plus fréquente. Si cet usage peut sembler être en rupture avec la 
notation conventionnelle, il ne fait pas pour autant table rase de ses 
fonctionnements, et se situe parfois même dans un prolongement de celle-ci. 
Certaines partitions graphiques pouvant être rattachées à des diagrammes 
permettent au compositeur de garder sous contrôle le temps, les durées et les 
hauteurs dans la réalisation sonore. Dans de telles circonstances où les 
paramètres principaux de la partition conventionnelle sont conservés, la 
question de la pertinence du recours au diagramme dans l'écriture musicale peut 
se poser. Possédant sa propre sémantique, nous réfléchirons aux nouvelles 
conceptions compositionnelles engendrées par l'utilisation de diagramme dans 
l'écriture via la partition graphique, sur les plans formelles, esthétiques ou 
sonores, ainsi que sur le renouvellement du rapport entre 
 les acteurs dans le processus de création qu'il génère.

Marc Chemillier EHESS
De l'interaction instrumentale au sampling : comment les interfaces visuelles 
des logiciels musicaux ont-ils constitué des diagrammes qui ont bouleversé la 
création musicale ?

Le passage du son analogique au son numérique a progressivement remplacé les 
bandes magnétiques par des logiciels d'enregistrement et de mixage. Ce 
mouvement s'est accompagné d'une rupture de paradigme dans la création musicale 
au cours de laquelle le jeu instrumental a  été supplanté par des techniques de 
recyclage de données audio. C'est bien sûr manifeste dans les genres nouveaux 
apparus au cours de cette mutation (techno, rap), mais cela a également affecté 
en profondeur d'autres genres musicaux (variétés). Ainsi la conduite du 
discours dans la création musicale s'est vue transférée de ceux qui jouent des 
instruments de musique vers ceux qui manipulent des logiciels audio. On 
étudiera à partir d'exemples empruntés à différents genres cette transformation 
de la conduite du discours musical sous l'effet des
« diagrammes » que sont les interfaces des logiciels musicaux. Cette 
présentation est liée au développement du logiciel d'improvisation musicale 
Djazz (http://digitaljazz.fr) mené en collaboration par le CAMS (EHESS) et 
l'IRCAM à la croisée du jazz et des musiques électroniques.
 
Jean-Marc Chouvel Université de Paris-Sorbonne

Le flux et l’architecte. La notion de diagramme est-elle pertinente pour un art 
du temps ?
La notion de diagramme ne va pas de soi pour un art du temps comme la musique. 
Elle peut s’avérer trompeuse voire complètement inappropriée, car la base 
conceptuelle de la notion de diagramme ressort d’une pensée de l’espace. Toute 
la question est donc de comprendre comment la pensée de l’espace peut accéder à 
l’essence temporelle d’un art comme la musique, qu’est-ce que c’est qu’un « 
musicogramme ».

Le diagramme devient alors le lieu du conflit entre deux ordres : l’ordre de 
l’espace et celui du temps. Ces ordres, en devenant des axes, inscrivent les 
relations qu’entretiennent la réalité et le vécu. Le diagramme devient alors le 
lieu du conflit entre la logique – victoire de l’ordre de l’espace sur l’ordre 
du temps – et la liberté – revanche de l’ordre du temps sur celui de l’espace 
–. Il devient peut-être aussi, en allant jusqu’au bout de son essence 
dynamique, le lieu du conflit entre déterminisme et chaos. On comprendra alors 
que l’important n’est pas le diagramme comme schème, mais l’opération de 
lecture que l’on en fait, et qui restitue au temps un privilège que la pensée 
rationaliste a tendance à lui dénier.
 
Pascal Decroupet Université de Nice

Composer avec ou contre les forces suggestives des diagrammes. Étude 
comparative sur l'interaction entre planification et réalisation chez Boulez, 
Stockhausen, Pousseur et Ferneyhough.

Dans la pensée sérielle des années 1950 et 1960, les élaborations préparatoires 
concernent des aspects compositionnels très variables. Selon les circonstances, 
les stratégies adoptées relèvent du principe bottom up (du matériau vers la 
forme) ou du principe top down (du plan formel vers la définition progressive 
des détails). Or les différences qui caractérisent ces deux démarches peuvent 
tantôt être indicatives d'une orientation poétique différente, tantôt d'une 
modification au sein de la trajectoire d'un même compositeur. Alors que pour 
Boulez, on procède en général en termes de développement progressif d'un 
matériau élémentaire (une série ou un autre ensemble de hauteurs) vers la 
déduction de catégories formelles adaptées, pour Stockhausen prévaut une image 
façonnée par les plans formels que le compositeur a régulièrement publiés pour 
ses œuvres à partir des années 1960. Une négociation encore différente se 
trouve chez Pousseur, q
 ui développe dès la fin des années 1950 une théorie spécifique de

la forme appelée "périodicité généralisée" où il fait interagir  selon un 
ensemble restreint de principes ondulatoires les plans du matériau et du 
déploiement formel.
Quant à Ferneyhough, il est ici pris pour exemple d'une démarche post-sérielle 
-- autant donc en filiation directe avec la musique sérielle qu'en opposition 
critique face à cette pensée. Pour Time and Motion Study II, qui appartient à 
sa phase d'émergence comme compositeur célébrant une certaine complexité, les 
préparations concernent autant le niveau morphologique que les principes de 
distribution au niveau de la forme.
D'une part, la présente contribution cherche à nuancer les usuelles 
considérations simplificatrices pour montrer comment les deux approches 
interagissent continuellement chez chacun de ces compositeurs. D'autre part, 
elle permettra de comparer, sur la base de situations concrètes, des poétiques 
adoptées par deux générations successives de compositeurs après 1945 pour 
s'interroger sur les éventuelles modifications en profondeur de la poétique de 
la recherche en composition mais aussi sur leurs similarités cachées.
 
Valeria Giardino Université de Lorraine

La valeur cognitive de la notation musicale

Dans cette intervention, nous allons considérer l’influence cognitive que le 
choix d’une notation musicale peut avoir sur la composition. Dans nos études 
précédentes, nous avons soutenu que les diagrammes ainsi que la notation en 
mathématique doivent être considérés comme des outils cognitifs “dynamiques” 
qu’il faut manipuler, changer, réécrire pour explorer les propriétés de ce 
qu’ils représentent. Nous allons explorer si cette vue peut être étendue à 
l’utilisation de la notation dans la composition musicale, en tant que outil 
également dynamique.

Angel Hyeyoung Kim Institut Jean Nicod,École Normale Supérieure,Paris
Music, Consciousness, and Knots

The process of understanding music represents a fundamental aspect of the 
activity of our consciousness, in the sense that it reveals the core elements 
of temporality and the interactive connectivity of consciousness. There are 
multiple layers of interactive connectivity in the process of making, playing, 
and listening to music, such as the interactive connection between the musician 
and the audience, between the current, upcoming, and previous notes, and 
between ‘I’ as the player and ‘I’ as the listener of the music. These 
interconnective activities in music are temporal, but their interactive 
relationships can be shaped in spatial dimensions. I attempt to analyze the 
structure of conscious activities in music with knot theory in order to make 
the temporal and interactive relationships and activities visible, and hence 
understandable. Knot models and their logic of mutuality as developed by Louis 
Kauffman will be applied to visualize what happens in music.
 
Franck Jedrzejewski CIPh/CEA

Dix thèses sur le diagramme

À travers dix thèses, nous proposons une approche du diagramme qui le distingue 
de la figure, mais aussi du schème transcendantal kantien et de la structure de 
Lévi-Strauss et du courant structuraliste. Comme Gilles Deleuze l'a bien 
montré, le diagramme est un ensemble de rapports de forces, un territoire 
d'intensités qui donnent à penser une topologie générale de ce qu'il 
cartographie. Dans les diagrammes de compositeurs ou de théoriciens de la 
musique, les agencements des choses et des objets, des lignes et des intensités 
se doublent de dispositifs fonctionnels, de formes et d'énergie, qui relèvent à 
la fois de la subjectivité et de la stratification de ses composants. Dans la 
lignée des processus discursifs analysés par Michel Foucault dans l’Archéologie 
du savoir, et des stratagèmes allusifs de Gilles

Châtelet, l’approche diagrammatique que nous proposons se révèle comme un 
dispositif d’amplification des virtualités, que nous illustrons sur des 
exemples musicaux ou de théorie de la musique. Dans les algèbres 
néo-riemanniennes, le "tonnetz" de Leonhard Euler, redécouvert par Arthur von 
Oettingen et commenté par Hugo Riemann a pris une importance considérable dans 
la façon de disposer et de représenter les hauteurs de notes. La théorie de 
David Lewin a donné un caractère mathématique à ces recherches, qui, avec 
l'apparition des réseaux de Klumpenhouwer, ont permis de cartographier 
topologiquement des organisations tonales. Bien que connu, ce cadre tonal ne 
laissait pas découvrir le tissu de l'ensemble de ses relations et de leurs 
interactions. Les "orbivariétés" de Dmitri Tymoczko ont apporté une autre 
dimension à notre perception structurelle de la musique. D'autres exemples 
montrent la multiplicité spatio-temporelle des diagrammes. La théorie m
 athématique des nœuds et des entrelacs fournit un modèle diagrammatique de la 
série schönbergienne qui rend compte de l'organisation sérielle. Un exemple de 
cette cartographie diagrammatique est  l'analyse  que nous présentons d'une 
pièce de Jean Barraqué "Au-delà du hasard". La modélisation par des tresses de 
l'improvisation libre, telle qu'on la trouve de la naissance du free jazz aux 
musiques improvisées actuelles, a aussi un soubassement mathématique non 
évident. Enfin, la complétude de certains objets mathématiques, comme les 
systèmes de blocs, trouvent chez des compositeurs minimalistes un mélange 
formel de forces et de matériaux. Entre l'énonçable et le visible, le 
diagramme, dans son rôle de passeur entre l'actuel et le virtuel, est un témoin 
de ce que composer signifie.

Carlos Lobo CIPh
De la recomposition musicale des diagrammes de la conscience intime du temps 
par Emmanuel Nunes. Un cas d’interdisciplinarité exemplaire

La poétique musicale d'Emmanuel Nunes s’est installée expressément dans une 
relation d’interdisciplinarité avec des réflexions phénoménologiques 
husserliennes sur la conscience du temps, qui, loin de la ravaler au rang de 
simple illustration idéologique d’une théorie artistique, donne lieu à une 
opération de transfert méthodique et de production  conceptuelle  d’une rare 
maîtrise. Nunes disloque et déplace les exemples typiques du son et de la 
mélodie, «  unités esthétiques »  perçues par       u n « s p e c t a t e u r - 
a u d i t e u r t r a n s c e n d a n t a l  » ,  e n les envisageant comme 
autant d’« unités compositionnelles » , pour ainsi dire pré-constituées par un 
« compositeur transcendantal ». En invitant l’esthétique musicale (et 
l’auditeur) à se mettre à l’écoute de la “virtuosité innée des actes de 
conscience”, Nunes enrichit et approfondit l'esthétique transcendantale 
elle-même, entendue comme étude de 
 la constitution du temps et de l’espace comme formes a priori de l’expérience 
en général.
 
Justyna Morawska Université de Paris 8

L’ouverture étant le propre du diagramme. Sur le processus diagrammatique 
interdisciplinaire : Metastaseis et Pavillon Philips de Iannis Xenakis

Qu'est-ce qu'un diagramme ? Ou, plus précisément, quels sont les aspects qui 
permettent de déterminer une manière de faire ou penser comme diagrammatique ? 
Cette interrogation, née dans le contexte de la pratique architecturale, est en 
effet une question interdisciplinaire, et c'est dans un premier temps au-delà 
du domaine d'architecture que les pistes pour la réponse vont être cherchées – 
et notamment dans la philosophie de Ludwig Wittgenstein et Nelson Goodman.
Une première identification des traits caractéristiques du diagramme émerge à 
travers la question : quelle est la différence

entre l'image et le diagramme ? Conformément à la théorie des symboles de N. 
Goodman, la différence entre l'image et le diagramme, si on les considère comme 
symboles, se baserait avant tout sur la manière de les lire, et non pas sur 
leurs caractéristiques graphiques. Il s’agit d’une conception qui écarte 
d'emblée la possibilité que la différence puisse se baser sur le schématique du 
diagramme et la ressemblance de l'image. Quel que soit l'aspect formel de l 
'objet (croquis, l igne, dessin), ses qualités diagrammatiques se révéleraient 
par la possibilité de lui donner différents sens, de laisser le choix de son 
application, de le voir et de l'utiliser de différentes manières. Dans ce sens, 
la conception du diagramme venant de l'exploration de la philosophie de N. 
Goodman recouperait la notion wittgensteinienne de voir comme. C’est donc à 
travers la notion de voir comme et sa relation avec la notion du diagramme 
(explicitée par le biais de la pensée 
 de N. Goodman) - que l’on peut contempler le travail de Iannis Xenakis : 
musicien, architecte et ingénieur. Son œuvre musicale Metastaseis et son projet 
architectural du Pavillon Philips pour l’Exposition Universelle à Bruxelles en 
1958, témoignent d’un lien frappant entre ses expérimentations musicales et 
recherches architecturales. Une préoccupation commune pour les deux créations – 
celle de la continuité, d’aller d’un point à l’autre sans interruption – trouve 
une représentation formelle : un nombre des lignes droites, qui changent 
progressivement leur inclinaison, et dont les points de départ sont positionnés 
à intervalles égaux. Selon le cas, la forme en question fonctionne comme la 
notation musicale des glissandi de Metastaseis ou le principe de la surface 
réglée en béton armé de Pavillon Philips. Cette représentation graphique de la 
continuité se distingue donc par une ouverture - relative à l’emploi et à la 
lecture de la forme 
 – capable de traverser les domaines. Le rapprochement de cet aspect ouvert 
avec la notion  de  voir comme que nous avons suggéré comme constitutive du 
diagramme, permet d’examiner, tel est le parti pris de cette proposition, le 
travail de I. Xenakis en tant qu’un processus diagrammatique interdisciplinaire.

Alavaro Oviedo Université de Paris 8
Écriture, diagramme, geste musical

Dans l’un de ses cours au Collège de France, Pierre Boulez pose   la question 
de la technique d’écriture comme révélatrice de nouveaux gestes compositionnels 
: « En quoi la plongée dans la technique peut-elle être libératrice ? et faire 
découvrir des gestes expressifs auxquels nous n’étions pas préparés ? (« Le 
geste du compositeur », Leçons de musique). Préméditées, les opérations  de 
l’écriture peuvent néanmoins avoir des conséquences imprévues. C’est le cas de 
l’émergence d’une  dimension  diagonale dans l’opus 23 de Schonberg. C’est le 
cas de la bifurcation dans l’œuvre de Messiaen autour de 1950, forcée par un 
problème d’écriture, la systématisation de la dimension rythmique. Nous 
analyserons le rapport de ces opérations  abstraites d’écriture avec la 
composition non plus comme  un  simple schématisme mais comme diagramme, 
ouvrant vers des dimensions virtuelles. Mais il faudra surtout aller voir du 
côté de composi
 teurs comme György Kurtág et Helmut Lachenmann, qui partent dans leur écriture 
du geste instrumental, pour pouvoir aborder pleinement le geste du diagramme.
 
Matthieu Saladin Université de Paris 8

Le diagramme comme écriture du dispositif chez Alvin Lucier

Sans être exclusif, le recours aux diagrammes est suffisamment récurrent dans 
les partitions d’Alvin Lucier pour en interroger les visées et les fonctions : 
quelles relations aux interprètes et aux auditeurs instaurent-ils ? En quoi 
celles-ci diffèrent-elles des situations d’interprétation et de réception 
propres aux autres modes compositionnels ? Comme le remarque son collègue du 
Sonic Arts Union, Robert Ashley, dans la scène expérimentale nord-américaine du 
milieu des années 1960 où voient le jour les premiers opus de Lucier, les 
diagrammes participent – conjointement à d’autres formes comme les protocoles 
de performance, les programmes informatiques ou encore les

schémas électroniques – d’une critique plus large de l’écriture solfègique 
traditionnelle. Mais leurs qualités graphiques semblent impliquer chez le 
compositeur d’autres enjeux qui concernent plus directement la réalisation 
concrète des œuvres, pensée comme activation au croisement de l’observation et 
de l’action au sein de dispositifs susceptibles d’engendrer la manifestation 
des phénomènes acoustiques recherchés. Le diagramme serait alors à la fois 
partition et plan pour l’énonciation d’œuvres qui, bien que pleinement 
performatives et bien souvent instrumentales, prennent la forme 
d’installations. Pour saisir ces déplacements dans la relation aux interprètes 
et aux auditeurs, il nous faudra retourner aux origines formelles multiples de 
l’écriture diagrammatique de Lucier. Ces diagrammes empruntent, en effet, leur 
graphisme à la fois aux schémas des circuits électroniques, à l’imagerie 
scientifique des manuels d’acoustique ou e
 ncore aux expérimentations graphiques menées un peu plus tôt par l’École de 
New York. Il apparaîtra que c’est l’entremêlement même de ces filiations qui  
établit,  chez Lucier, le diagramme comme une écriture propre au dispositif.
 
Makis Solomos Université de Paris 8

Diagramme, schémas, graphiques… La pensée opératoire de l’espace chez Xenakis

Le rôle des graphiques est fondamental dans le travail de Xenakis. Nous y 
rencontrons toutes sortes de schémas graphiques, allant d’esquisses 
morphologiques jusqu’à ce qu’on appelle parfois des « partitions graphiques ». 
Dans sa musique électroacoustique, nous avons également des schémas de montage 
très complets. Cette communication, qui sera abondamment illustrée par des 
exemples issus des archives de Xenakis, réfléchira au rôle de ces schémas, 
graphiques, diagrammes…, et à l’extraordinaire diversité des situations 
musicales qu’ils impliquent.

Antonia Soulez Université de Paris 8
Le Diagramme, "saut dans l'invérifiable" (Musil)

Le caractère perceptuel de la saisie des graphismes notationnels, en analogie 
(de structure) avec la notation musicale, suggère un "tournant visuel de la 
pensée" (R. Arnheim) chez l'auteur du Tractatus, dont on fait parfois un 
précurseur de l'âge de "l'oralité seconde" ouvert par la technologie 
électronique. "Philosophe des multiplicités" comme Deleuze, le Wittgenstein qui 
a fait sauter le verrou de l' apriori, nous entraîne sur le papier vers des 
constellations nouvelles d'opérations dont on remarque la force productive 
d'inventivité. Le diagramme s'y présente comme un graphisme de possibilités à 
construire en régime d'interdisciplinarité. L'opérateur-clef de la 
transformation est l'aspect attaché au "voir-comme" (inspirant pour un musicien 
tel H. Lachenmann ). Les PLA (prédicats de ressemblance de famille) s'étoilent 
moyennant des apparentements toujours plus fins de l'intérieur d'une connexion 
intermédiaire. Quand Wittgenstein déclare que la philosop
 hie ne devrait que dichten,   il évoque ces traits de condensation par 
application d'un symbolisme en contexte, qui est producteur de formes 
nouvelles. Le "mouvement de pensée" Denkbewegung (vs Gedanke selon Frege) que 
Wittgenstein attribue au compositeur qu'il aurait voulu être, met ainsi 
"l'oreille à l'esprit" (E. Mach). Une fois la linéarité de l'écriture logique 
de l'inférence abandonnée (moment que Aldo Gargani appelle la "dissolution 
analytique") se déploient en schémas arborescents ouverts, des clusters (G. 
Baker) figurant une "densité de relations" que Musil qualifie de "Gestalt". 
Aussi voit-on le mouvement de pensée tracé "au crayon" ("I think with my pen") 
varier de motif en motif ou Gestalt (Musil), suivant la "synopsis" goethéenne, 
à-même le symbolisme. D'où des procédures d'"auto-application" sémantique 
caractéristique d'un processus compositionnel, vu qu'il n'y a pas de 
"méta-harmonie" (Wittgenstein). "Sous l'aspect

de" la musique, la langue, devient le spectre sonore de formes- gestes pour un 
"saut dans l'invérifiable" (Musil). Sous l'aspect de la philosophie, l'acte 
compositionnel est d'une certaine façon expressif d'un "mouvement de pensée".
Ainsi, A. Gargani comparant Wittgenstein et Schoenberg (La main heureuse) a 
commenté cette "logique atonale" des PLA   qui se déploie comme les harmoniques 
éloignées à partir d'aspects agissant tels des pôles de variations dans la 
démarche du compositeur. Le moment philosophique de la Dichtung saisi sous 
l'aspect de la musique entre alors en résonance (Merleau-Ponty, L'éloge de la 
philosophie) avec le "mouvement de pensée" du compositeur au moment où il étend 
plus loin les "lois musicales profondes" du matériau au delà du système reçu 
tonal). Ainsi procèderait une certaine inventivité du philosophe (qui n'a pas 
d'"objets" propres), par l'action en retour de l'élaboration d'une technique 
dans un autre registre.
Nous approfondirons cette circulation d'"aspects" d'un registre à l'autre, 
fructueux pour la diagrammatisation du "mouvement de pensée".
 
Horacio Vaggione Université de Paris 8
Composer comme écrire : diagrammes et contextes

Il s’agira d’identifier, dans un processus de composition musicale, le domaine 
où se manifeste une pensée de type diagramatique, et quelle est la part, 
par-delà des représentations quelconques, qui pourrait se penser comme étant le 
lieu d’une élaboration de contextes musicaux (et ceci, sans recourir à aucune 
approche de type dualiste). Comment s’articule une projection de contextes 
musicaux par rapport à une élaboration de schèmes structuraux ?
Composer comme écrire, dans la situation du musicien face au
« composable », revient à affirmer une action qui n’est pas symétrique avec un 
agencement de macro-traits syntaxiques d’aucune espèce.

Jonas Vinicius Université de Lisbonne Centre for Philosophy of Science of the 
University of Lisbon, Foundation for Science and Technology (PT)
Amplifying the concept of diagram with techniques of composition

The background of this presentation is the philosophical debate around the 
concept of diagram.Two main lines of thought guide this proposal. Firstly, I 
assume that there are types and functions of diagrams, already implied in C. S. 
Peirce's concept of diagram, that are yet to be unfolded - namely, the notions 
of multi-sensorial diagrams and their iconic (non-symbolic) functions. 
Secondly, I argue that techniques of musical composition offer us a rich 
repository of diagrammatic signs and functions that  can  be used to amplify 
the concept of diagram. The compositional techniques I use as amplifiers of the 
concept of diagram in this presentation come from the Brazilian composers Villa 
Lobos and Silvio Ferraz. In Villa Lobos' technique of millimetrization, the 
visual diagram does not function as a symbolic representation nor as an overall 
plan, but rather as a productive motif, a device that introduces possibilities 
— therefore, aniconic function. In Ferraz's compositional pra
 ctices, the participation of schemas operating outside symbolic and 
representational regimes goes even beyond visual lines and mobilizes also 
gestures and acoustic elements that function as non-visual iconic diagrams. 
With this approach — that also relies on insights of Deleuze, Châtelet, and 
Mazzola —, nuances of the concept of diagram are unfolded by using 
compositional techniques as a point of view, and at the same time, philosophy 
of music will be offered an amplified concept of diagram capable  of  making  
the  poietic  movement of composition resonate louder.



En vous priant de nous excuser pour les multiples doublons.



--
Pour toute question, la FAQ de la liste se trouve ici:  
https://www.vidal-rosset.net/
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        

Répondre à