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Festival de Cannes. “La Charge”, un film serbe qui dérange 
<https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/festival-de-cannes-la-charge-un-film-serbe-qui-derange>
 

Présenté en 2016 dans une des sélections parallèles de la Berlinale, le 
documentaire au titre énigmatique Depth Two (“La Profondeur 2”) avait fait 
connaître un jeune réalisateur serbe, Ognjen Glavonic, né en 1985. Celui-ci 
s’attaquait à un événement tabou, survenu en 1999 alors que l’Otan bombardait 
la Serbie de Slobodan Milosevic, le transport de 744 cadavres d’Albanais, pour 
la plupart des civils, du Kosovo vers la Serbie, dans le but de dissimuler des 
crimes de guerre perpétrés par l’armée serbe dans cette province.


Le salaire de la peur


Le premier film de fiction d’Ognjen Glavonic, La Charge, sélectionné cette 
année dans la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 
<https://www.quinzaine-realisateurs.com/film/teret/> , s’inspire des mêmes 
événements, sans toutefois y faire explicitement référence. Le film suit le 
parcours de Vlada (l’acteur croate Igor Bencina), un chômeur qui accepte de 
conduire depuis le Kosovo jusqu’à Belgrade un poids lourd dont les portes ont 
été cadenassées. Il n’en connaît pas la cargaison, et il a été instamment prié 
de ne pas se montrer trop curieux. Le chargement devient ainsi “une charge” 
dans tous les sens du terme, métaphore des crimes de guerre qui encombrent la 
mémoire et l’inconscient serbes.

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Vlada parcourt la Serbie profonde, cherche des raccourcis, rencontre des 
auto-stoppeurs, s’arrête aux check-points. De temps en temps, la caméra 
abandonne le chauffeur du camion pour suivre d’autres personnages qui nous font 
entrer dans le quotidien d’un pays en guerre. Pour finir, Vlada conduit le 
camion dans une caserne et touche sa paie, le salaire de la peur.

À lire aussi: Festival de Cannes. La leçon de mélancolie de Jafar Panahi 
<https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/festival-de-cannes-la-lecon-de-melancolie-de-jafar-panahi>
 

Pour le quotidien croate  
<https://www.jutarnji.hr/kultura/film-i-tv/novo-ime-ex-yu-kinematografije-film-se-treba-obracati-mladim-fasistima-on-ih-treba-obrazovati-razbijati-zablude-i-mitomanije/7348887/>
 Jutarnji List, le film d’Ognjen Glavonic tente de répondre à cette question 
torturante : “Comment est-il possible qu’une génération dont les pères ont été 
jetés dans des fosses communes [lors de la Seconde Guerre mondiale] ait pu 
réserver le même sort à ses compatriotes un demi-siècle plus tard ?” Une scène 
du long-métrage montre deux garçons, assis sur un monument gigantesque dédié à 
la résistance antifasciste. Leur conversation laisse entendre qu’ils ne savent 
pas ce que le monument symbolise. “Il n’est pas étonnant qu’aujourd’hui au 
moment où le nationalisme, le chauvinisme et la xénophobie ont le vent en 
poupe, ces monuments dérangent”, estime Glavonic, cité par le journal de Zagreb.


En Serbie, le film déplaît aux tenants de la droite dure


D’un point de vue poétique, La Charge prend appui sur la tradition de la vague 
noire yougoslave, ce mouvement qui, dans les années 1960, procédait à la 
critique de la société en recourant à l’humour noir (il a été censuré à partir 
de 1972 en raison de son pessimisme et de son nihilisme). Dans le film d’Ognjen 
Glavonic, on retrouve la même obsession pour les symboles de la modernité 
socialiste et de l’industrie : des usines et des grands magasins, aujourd’hui 
dans un état de délabrement avancé, des routes et des monuments envahis par 
l’herbe.. Le cinéaste, originaire de Pancevo, une petite ville industrielle 
dans les environs de Belgrade, explique :

Ce que j’ai voulu montrer, c’est ce qui reste de l’ex-Yougoslavie, laquelle a 
été, qu’on le veuille ou non, un État moderne. C’est la nature qui a gagné sur 
ses vestiges.” 

 
<https://www.courrierinternational.com/sites/ci_master/files/styles/image_original_1280/public/illustrations/thumbnails/cinema_-_serbie_-_la_charge_-_ognjen_glavonic_-_quinzaine_des_realisateurs_-_festival_de_cannes_2018.jpg?itok=kgUfAipY>
 Le réalisateur serbe Ognjen Glavonic. Photo MARIJA DJOKOVIC

Dans le pays natal de Glavonic, La Charge a été dénoncée comme un film 
antiserbe. Le réalisateur a l’habitude des polémiques et des critiques depuis 
son précédent film, Depth Two. Toutefois, les attaques se sont intensifiées 
après que La Charge, qui s’est vu à sept reprises refuser une subvention du 
Centre national du cinéma serbe, a été sélectionné au Festival de Cannes. 
Ognjen Glavonic répond à ses détracteurs dans Jutarnji List : “Je ne veux pas 
faire des films pour divertir ou pour embellir l’image d’un système politique, 
quel qu’il soit. Avec La Charge, j’ai voulu mettre l’accent sur la 
responsabilité de chacun, sans pointer éternellement l’Autre comme la source 
éternelle de nos malheurs. Il est temps de regarder autour de nous, de nous 
servir du cinéma comme d’un miroir et non pas comme d’un espace 
d’autovictimisation qui sombre dans le pathétique.”

D’après Jutarnji List, “les films qui parlaient de ‘nos’ crimes de guerre 
n’étaient pas rares en Croatie ou en Serbie, il y a une dizaine d’années. 
Aujourd’hui, ils sont plus difficiles à faire. En Croatie, les vétérans de 
guerre et les partisans de la droite dure s’attaquent violemment aux œuvres qui 
ne promeuvent pas leur vision de la guerre de 1991-1995”. Dans la presse serbe, 
un quotidien comme  
<http://www.politika.rs/sr/clanak/403615/O-generaciji-oceva-za-generaciju-sinova>
 Politika explique la sélection du film de Glavonic par “l’actualité politique 
des événements liés au Kosovo”. Quant à  
<https://www.blic.rs/kultura/vesti/reditelj-jedinog-srpskog-predstavnika-u-kanu-glavonic-film-treba-da-otreznjuje-od/78c6q1t>
 Blic, il parle d’un film “sur notre rôle dans les guerres des années 1990”, 
sans jamais mentionner le Kosovo et ses victimes.



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