Chers collègues,

Veuillez trouver ci-dessous un appel à contributions autour de l'écrivain
Philip Roth pour la revue Implications Philosophiques, susceptible de vous
intéresser :

http://www.implications-philosophiques.org/varia/appels-a-contribution/aac-philip-roth/

N'hésitez pas à me contacter pour toute précision.

Margaux Merand
Rédactrice en chef adjointe de la revue IP
Contact : margau...@gmail.com

Implications philosophiques - ISSN 2105-0864
http://www.implications-philosophiques.org/







*Appel à contributions de la revue Implications Philosophiques pour un
dossier autour de Philip Roth*







La revue *Implications Philosophiques* lance un appel à contributions
autour de l’œuvre de Philip Roth. Le dossier entend réunir des textes
variés : analyses conceptuelles et littéraires ; récits d’expériences de
lecture et études thématiques de portée philosophique.



Roth conduit, dans son œuvre, une pensée de *nature* philosophique, sans
mobiliser pourtant l’analyse conceptuelle ni même se référer explicitement
à des auteurs. Ses références, quand elles apparaissent, sont
essentiellement littéraires (Hawthorne, Conrad, T. S. Eliot, entre autres).
La question se pose alors du *genre* de vérité que produit la littérature,
mais également des *méthodes* qu’elle emploie pour ce faire. Le dossier est
ainsi l’occasion de redéfinir les limites et croisements des champs
philosophique et littéraire, de leurs modalités spécifiques d’investigation
et de leurs résultats. L’œuvre de Roth produit-elle des vérités
philosophiques ? Remodèle-t-elle le concept même de vérité ?



Un trait saillant de l’écriture de Roth nous paraît être sa densité et son
ambition d’exhaustivité, non au sens d’une systématisation ou totalisation
du réel, mais au sens d’une méticuleuse transcription des détails
susceptibles de donner la plus riche intelligibilité aux phénomènes. Roth
ne se détourne jamais de l’infinie complexité du réel, quitte à y perdre
pied. On peut d’ailleurs dire que c’est la propension du réel à
*déborder* l’intelligence
qui constitue le moteur de l’écriture. Il y a une sorte de surmenage du
penseur par le réel et sa variabilité, et c’est ce surmenage dont l’effort
d’exhaustivité est la marque dans l’écriture romanesque, qui n’a pas
recours au concept philosophique pour le subsumer.



Le vertige du réel, celui d’être pris dans le « torrent du devenir »
qu’évoque Nietzsche dans ses *Considérations inactuelles* (II), où toute
chose est réversible ou vouée à se dissoudre « en une multitude de points
mouvants », culmine dans *Le Théâtre de Sabbath*, dont l’un des thèmes
centraux est la mutabilité des choses. Roth dira, dans ses entretiens avec
Alain Finkielkraut datant de 1999, que le héros du roman, Mickey Sabbath,
est précisément conscient de ce qu’aucune technique ne permet d’éviter le
chaos, le désordre ou le « repoussant ». Ces derniers sont la matière même
de la condition humaine ; ils en constituent une donnée indépassable.
Mickey Sabbath sait qu’il est impossible de dompter le réel, aussi
choisit-il d’ « incarner » radicalement, de « laisser entrer le
repoussant ». À ce titre, il est aux antipodes de Lou Levov, le père du
héros de la *Pastorale Américaine*. D’origine juive polonaise, Lou Levov
croit trouver dans l’ « américanisation » de sa famille une méthode
imparable pour tenir le danger à l’écart et assurer la « *prévisibilité* »
de l’existence de ses enfants et petits-enfants. Or qu’advient-il ? Le
désastre. « Ce n’est pas en tant que Juifs mais en tant qu’Américains
qu’ils vont connaître la catastrophe. Mon but, dit Roth dans les mêmes
entretiens, n’est pas de souligner la stupidité de l’ironie, mais de
montrer que le chaos existe effectivement et change de forme constamment.
(…) Nous essayons de le maîtriser ici, il glisse comme une savonnette et
apparaît ailleurs. »



            Voilà bien l’une des problématiques fondamentales de l’œuvre de
Roth : l’incontrôlabilité du réel, et tout ce qui vise à s’en protéger
illusoirement. Dans le cas de l’écrivain Nathan Zuckerman, fameux « double
cérébral » et narrateur d’une série de romans de Philip Roth, comme dans
celui du héros de *Némésis*, Bucky Cantor, l’*hyper-rationalisation* du
réel et son *interprétation superstitieuse *constituent respectivement une
manière d’interposer un filtre entre soi et ce qui est « gratuit,
contingent, absurde et tragique » (*Némésis*). Que l’intelligence sépare
les deux personnages ne change rien à cette angoisse, non seulement de la
mort, mais de la gratuité des choses. Jusque dans*Un homme*, Philip Roth
est hanté par ce que nous pourrions appeler la tyrannie de la contingence,
et le fait que cette dernière puisse conduire au suicide comme seule issue.
Ce trait de l’œuvre de Roth est sans ménagement pour son lecteur. Nous
suggérons son approfondissement dans les articles du dossier.



Une autre problématique majeure des romans de Roth est l’identité. La
griserie du masque et l’opportunité que représente la littérature d’être
*autre* que soi-même. Sans doute est-ce en étroite dépendance avec un thème
existentiel récurrent de l’auteur : celui de la perception dépersonnalisée
et hallucinée de sa propre vie. Le roman permet d’échapper à soi mais il
est de toute manière impossible à l’auteur d’*être lui-même*, au sens d’une
parfaite coïncidence à soi comme à une substance fixe. Celui qui observe,
contemple et doute, installe entre son existence sociale et sa vie
intérieure une irrémédiable distance voire fracture. Ainsi le roman est-il
la démonstration des frontières vacillantes du « soi » à travers le jeu
abyssal des usurpations d’identités.



Il n’en est pas moins, comme l’écrit le narrateur d’*Opération Shylock*, un
« mensonge » ou subterfuge permettant à l’auteur d’exprimer « *son* indicible
vérité ». Il existe un soi intime, certes dynamique et non statique, qui
s’exprime à travers les mystifications, les expériences de perte de
familiarité, et tente de s’y cerner. *La Contrevie*conceptualise l’écriture
comme un « exhibitionnisme honteux ». L’écriture est un désir de *se
trouver* et de *se dire*transcendé par l’investigation philosophique –
anthropologique – que l’imagination de l’auteur opère à travers
« l’hypothèse ludique » qu’est la fiction.



Le roman permet ainsi d’être *autre* mais est viscéralement mû par un désir
d’expression de *soi* qui se dépasse en univers *plus grand que soi*.
L’altérité acquiert dans ce mouvement un sens plus profond que celui du
masque : elle est ce qui éclate les limites du narcissisme et rend le roman
plus sage que son auteur. Une telle exigence de sagesse imprègne l’œuvre de
Roth, même et surtout si son écriture traduit une gradation dans
l’incertitude et le désemparement. Aussi ses romans sont-ils toujours
plus ouverts.



On peut observer, par exemple, que dans *Portnoy et son complexe*, le héros
est l’auteur principal des thèses exprimées : il se révolte contre sa
famille et devient une sorte de juge exclusif qui n’a pas d’égal
intellectuel. À mesure que les romans progressent dans le cycle Zuckerman,
et jusqu’aux romans de vieillesse, l’intelligence est au contraire*éclatée* et
polyphonique. Les thèses sont ainsi portées par des personnages et,
dirions-nous, des « contre » personnages, sans que Roth ne donne réellement
l’avantage à l’une sur l’autre. La raison devient *dialogale* et la vérité
plus difficile à atteindre. « Comprendre avec Cervantes le monde comme
ambiguïté, écrit Milan Kundera dans *L’art du roman*, avoir à affronter, au
lieu d’une seule vérité absolue, un tas de vérités relatives qui se
contredisent (vérités incorporées dans des ego imaginaires appelés
personnages), posséder donc comme seule certitude la sagesse de
l’incertitude » : voilà le propre du roman.



À la lumière de ces deux axes problématiques, nous proposons une liste non
exhaustive de thèmes traversant l’œuvre de Roth, et qui pourraient être
explorés à travers un ou plusieurs romans choisis :



-         L’enfance, la filiation et les liens générationnels (révolte ou
identification aux valeurs du père ?), le judaïsme, la judaïté (qu’est-ce
qu’être juif ?), l’individu devant la communauté ;



-         La littérature (qu’est-ce qui meut l’écriture ? Comment le
romancier fabrique-t-il ses personnages ? Quelle est la finalité de la
littérature ? Comment l’écriture et la lecture deviennent-elles des remèdes
existentiels face aux vicissitudes mêmes qu’elles mettent en scène ?) ;



-         La honte, l’imposture, la dépression (comment la dépression
métamorphose-t-elle la perception de soi et du monde ? Comment
redéfinit-elle l’identité ?), la paranoïa (comprise ou non dans le spectre
symptomatique dépressif : quelle est la plus ou moins grande continuité
entre les phénomènes psychopathologiques et les états de conscience
« normaux » ?) ;



-         La solitude (l’isolement devant le surmenage du réel ; l’angoisse
de l’autre), la vieillesse (comment vivre avec la conscience de cette
dégradation promise ?), le corps (la sexualité, l’addiction, la maladie) ;



-         L’adversaire politique et l’idéologue.



Ces thèmes sont indicatifs et peuvent être intégrés à différents types
d’analyses à dimension philosophique. Il restera possible aux auteurs de
discuter avec moi du format de l’article.





*Informations pratiques*





*Coordination du dossier* : Margaux Merand



*Contact* : m.mer...@implications-philosophiques.org (ou margau...@gmail.com
)



Nous invitons les auteurs à soumettre des propositions qui devront être de
750 mots maximum (formats .doc, .rtf), et seront accompagnées du nom de
l’auteur, de son statut, de son affiliation institutionnelle, ainsi que
d’une adresse mail. Les textes seront soumis à des relecteurs en double
aveugle.



Les articles finaux devront compter entre 20 000 et 35 000 signes. Pour
plus d’informations sur nos normes éditoriales, merci de consulter la fiche
mise à disposition :
http://www.implications-philosophiques.org/wordpress/wp-content/uploads/2009/12/Mise-en-page-IP.pdf
.)



Les articles sont à envoyer à l’adresse suivante :
m.mer...@implications-philosophiques.org (oumargau...@gmail.com)



*Calendrier*



Date limite de réception des propositions : 1er décembre 2019

Notification de la première phase de sélection : 1er janvier 2020

Soumission des articles complets : 15 avril 2020

Acceptation définitive des articles : 1er juillet 2020

Publication : été 2020

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Pour toute question, la FAQ de la liste se trouve ici:  
https://www.vidal-rosset.net/
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        

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