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L'affaire Clearstream Gergorin révèle ses ficelles mais pas sa source Entendu par les juges mercredi, l'ex-vice-président d'EADS a détaillé sa mission sans désigner le manipulateur de fichiers. par Renaud LECADRE QUOTIDIEN : vendredi 16 juin 2006 Au sein d'EADS, Jean-Louis Gergorin avait le titre de vice-président exécutif, directeur de la coordination stratégique. L'intitulé veut tout et rien dire à la fois. Mis en examen pour «dénonciation calomnieuse» dans l'affaire du corbeau de Clearstream après avoir avoué être l'auteur des envois anonymes, entendu longuement les 30 et 31 mai lors de sa garde à vue initiale, reconvoqué avant-hier par les juges d'instruction Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, Jean-Louis Gergorin a eu l'occasion de préciser les contours de sa mission: il était «responsable de l'intelligence économique d'EADS». L'intelligence économique, c'est la dernière tarte à la crème du big business. L'appellation «économie de l'intelligence», ironise un détracteur qui s'y connaît recouvre au mieux des activités de veille (compilation de documents publics, disponibles sur le Net ou au greffe des tribunaux de commerce), au pire d'antiques pratiques barbouzardes (écoutes téléphoniques, filatures, fouille de poubelles...). Ses praticiens sont souvent d'anciens flics ou agents secrets, mais aussi de jeunes diplômés qui croient en la rectitude du métier. Le cas Gergorin résume les possibilités et impasses de l'intelligence économique. Bornes cellulaires au Luxembourg Sur le procès-verbal de son audition, il dit s'être lancé initialement dans la traque des comptes cachés de Clearstream grâce à «des sources humaines de la communauté française du renseignement, dont je ne souhaite pas dire le nom». Par «communauté», il faut entendre d'actuels agents de la DST ou de la DGSE et des anciens reconvertis dans le privé. Ils le mettent sur la piste d'une «tierce personne peu favorable à EADS», en relation avec un intermédiaire bulgare de Thomson, concurrent du groupe Lagardère. Gergorin valide l'information grâce à «une personne, dont je ne veux pas dévoiler l'identité, qui avait les facturations détaillées de son téléphone portable». On le met aussi sur la piste d'un dirigeant d'EADS titulaire d'un compte au Luxembourg, qui aurait retiré une importante somme en cash. Pour vérifier la rumeur, Jean-Louis Gergorin a «une idée» bien à lui : «Cela devait nécessiter un déplacement physique au Luxembourg. J'ai interrogé une personne ayant une capacité d'investigation sur les bornes cellulaires utilisées par son portable, dont je connaissais le numéro. J'obtins très vite la réponse: parmi les bornes utilisées le jour de ce retrait figuraient des bornes luxembourgeoises.» Imad Lahoud, mathématicien et trader recruté par Jean-Louis Gergorin, également mis en examen, a plusieurs fois évoqué devant des tiers une écoute téléphonique de conversation entre des dirigeants d'Altran (conseil en technologies) faisant allusion à des versements occultes. Sans préciser si l'écoute aurait été diligentée par EADS ou la DGSE, car il travaillait alors pour les deux à la fois. Il y a six mois, Gergorin démentait pourtant à Libération l'existence d'un système d'écoutes privées au sein d'EADS, tout en détaillant les nouvelles technologies en vigueur clonage de numéros de portable, pénétration logicielle des opérateurs. L'affaire Clearstream c'est-à-dire des dizaines de personnalités faussement suspectées de détenir un compte bancaire occulte se résumerait-elle en une vaine tentative de donner un vernis informatique à de vieilles ficelles barbouzardes ? Devant les enquêteurs, Jean-Louis Gergorin concède que «les informations étaient beaucoup trop légères pour être transmises à la justice, d'autant plus que j'étais très embarrassé par la pénétration illégale du fichier Clearstream». C'est peut-être pourquoi il les a finalement transmises sous envois anonymes au juge Renaud Van Ruymbeke. Mais il reste persuadé que sa «source technique», qu'avant-hier encore il a refusé de dévoiler devant les juges, «pour des raisons de principe et de sécurité», aurait vraiment piraté Clearstream. En dépit du témoignage d'un ancien auditeur informatique du cabinet Arthur Andersen, Florian Bourges, qui a comparé ses fichiers d'origine et ceux envoyés ultérieurement par le corbeau, pour en conclure devant les juges que: «C'est du vent, un copier-coller pour ensuite ajouter des noms de personnes physiques.» Imad Lahoud demeure le principal suspect de la manipulation des fichiers. Pour le compte de qui ? Dans les listings, on retrouve quelques obsessions de Jean-Louis Gergorin : la mafia russe, des responsables de Thomson... Dans une de ses nombreuses notes, le général Rondot, chargé d'enquêter sur les listings par Dominique de Villepin, raconte son entretien avec Jean-Jacques Martini, ancien commissaire de la DST, «scandalisé» de s'être retrouvé en si bonne compagnie. D'autant que Jean-Louis Gergorin lui aurait préalablement «demandé de lui fournir des noms d'étrangers douteux, lesquels sont apparus ensuite sur les listings informatiques». Gergorin dément et suggère que Martini a dû mal interpréter leur conversation. Plainte pour faux contre la DST Toutefois, certaines des personnalités faussement listées relèveraient plutôt de «l'obsession» du général Rondot, suggère Imad Lahoud, en référence à ces agents de la DST ou de la DGSE que la Chiraquie au pouvoir soupçonne à tort, également d'avoir fouiné dans des comptes bancaires du président de la République. Jean-Louis Gergorin, tout en assumant les envois anonymes, ne s'est pas privé de souligner aux enquêteurs que l'ensemble de ses fichiers informatiques avait été transmis au ministère de la Défense. Pour ajouter à la confusion, un cabinet d'intelligence économique (I2F, dirigé par un ex-policier de la brigade financière, Hervé Seveno), vient de porter plainte pour faux contre la DST. Celle-ci le soupçonnait, dans une note déclassifiée, d'avoir «déployé des moyens techniques en relation avec l'affaire». En clair, d'avoir procédé à des écoutes sauvages pour le compte de Gergorin, Villepin ou quelqu'un d'autre... --~--~---------~--~----~------------~-------~--~----~ You received this message because you are subscribed to the Google Groups "guerrelec" group. 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