http://www.bortzmeyer.org/6948.html

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Auteur(s) du RFC: A. Keranen, J. Arkko (Ericsson)


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Le "World IPv6 Day 
<http://www.internetsociety.org/ipv6/archive-2011-world-ipv6-day>" le 8 
juin 2011 avait pour but de tester le comportement d'IPv6 si de 
nombreux services sur l'Internet activaient ce protocole. On peut noter 
que rien de spectaculaire ne s'est produit (tant mieux : comme prévu, 
cette activation n'a rien cassé) mais les impressions ne suffisent pas, 
il faut aussi *mesurer* ce qui s'est passé. C'est une de ces mesures 
que raconte ce RFC ; ses auteurs ont compté le nombre de sites Web qui 
activaient IPv6 et le résultat que cela avait sur le temps 
d'établissement d'une connexion, pour un client qui avait déjà IPv4 et 
IPv6.

Pourquoi est-ce que, alors qu'IPv6 est normalisé depuis de nombreuses 
années (RFC 2460), certains gros acteurs de l'Internet hésitent 
toujours à l'activer ? Les raisons vont de la simple passivité à la 
crainte que, dans certains cas, l'activation d'IPv6 ne dégrade le vécu 
de l'utilisateur (RFC 6555). Le but des "IPv6 days" (il y en avait 
d'autres avant celui de 2011 et d'autres sont apparus après) est à la 
fois d'encourager les frileux, et de tester pendant 24 h si les 
craintes sont justifiées (l'"IPv6 Day" de 2012, considérant que les 
tests avaient été suffisants et n'avaient guère montré de problèmes, 
était au contraire prévu pour qu'IPv6 reste activé). Pendant 24 h, le 8 
juin 2011, un certain nombre d'opérateurs de services Internet ont donc 
configuré leurs services pour répondre en IPv6, leur permettant de 
tester que tout allait bien, et d'avoir une idée du pourcentage de 
leurs utilisateurs prêts à faire de l'IPv6. Cette configuration 
impliquait l'activation du protocole sur les différents équipements : 
serveurs, bien sûr, mais aussi applications car celles-ci gèrent 
parfois des adresses IP, par exemple à des fins de statistiques, et 
également les diverses "middleboxes" qui sont en général le maillon 
faible de la connectivité Internet.

Une fois qu'IPv6 était disponible et testé sur le service (normalement, 
bien avant le grand jour), il n'y avait plus qu'à le faire savoir au 
reste du monde, ce qui se fait en publiant un enregistrement AAAA dans 
le DNS.

Les mesures décrites dans ce RFC étaient donc le pourcentage de 
domaines avec des enregistrements AAAA et le temps pris à établir une 
connexion avec le serveur (ainsi que le pourcentage d'échecs).

Comme l'Internet est grand, l'étude de ce RFC s'est limitée 10  000 
sites Web les mieux placés dans le classement d'Alexa (section 3 du 
RFC). Pour chaque domaine, le logiciel a fait une requête DNS AAAA pour 
ledomaine, www.ledomaine, et aussi des noms spécifiques à IPv6 comme 
www.ipv6.ledomaine (noms peu susceptibles d'être utilisés par le 
visiteur moyen). Ce logiciel de mesure active était écrit en Perl avec 
le module Net::DNS. Ensuite, un petit programme en C tentait une 
connexion TCP vers l'adresse obtenue et mesurait le délai. Les mesures 
ont commencé une semaine avant l'"IPv6 day" et se sont terminées trois 
jours après. Le client était situé dans les locaux d'Ericsson à 
Helsinki.

Quels ont été les résultats ? La section 4 donne les valeurs obtenues, 
avec des liens vers des graphiques externes (les RFC ne permettent pas 
de mettre d'images). Le pourcentage d'enregistrements AAAA 
<http://users.piuha.net/akeranen/drafts/v6day/v6sites.pdf> est ainsi 
passé de 2,45 % une semaine avant le grand jour et a culminé à 4,91 % 
pendant. Il est ensuite redescendu (contrairement à 2012, il n'était 
pas demandé aux sites de garder leurs AAAA), mais est resté plus élevé 
qu'avant le jour IPv6. Si on prend seulement les 100 sites les mieux 
classés par Alexa, on trouve la même courbe mais des pourcentages bien 
plus élevés 
<http://users.piuha.net/akeranen/drafts/v6day/v6sites-top100.pdf> (le 
sgros sites sont plus sérieux pour ce qui concerne IPv6).

Ce n'est pas tout de publier des adresses IPv6. Encore faut-il que le 
serveur HTTP situé derrière réponde effectivement. Si on teste toutes 
les adresses (v4 et v6) en TCP vers les ports 80 et 443, on trouve 
entre 1 et 3 % d'échecs. Pour IPv6 seul, le pourcentage d'échec est 
bien plus élevé 
<http://users.piuha.net/akeranen/drafts/v6day/tcp-fails.pdf>. Cela ne 
recoupe pas les résulats vus par DNSdelve <http://www.dnsdelve.net/> 
(qui montrent nettement moins d'échecs de connexion) probablement parce 
qu'il s'agit ici d'une journée exceptionnelle, que tout le monde n'a 
pas bien préparé. Apparemment, certains ont publié leur AAAA avant de 
configurer leur serveur, leurs routeurs et leurs pare-feux (notez la 
baisse du pourcentage d'échecs au fur et à mesure que la journée 
avance).

Et si TCP marche, OK, mais marche-t-il vite ? La connexion prend t-elle 
plus ou moins de temps en IPv4 et en IPv6 ? Après tout, autrefois, en 
raison de l'utilisation de mauvaises technologies comme 6to4 (RFC 3056) 
ou comme des tunnels amateurs, IPv6 avait la réputation d'être lent. 
Qu'en est-il aujourd'hui ? En prenant la médiane et la moyenne, on voit 
<http://users.piuha.net/akeranen/drafts/v6day/mda.pdf> que la 
différence est très faible (même pour la moyenne, pourtant plus 
sensible aux petites variations), et qu'IPv6 est un peu plus rapide en 
temps normal mais plus lent pendant le jour IPv6 (sans doute parce que 
l'arrivée de nombreux sites mal configurés a fait baisser les 
chiffres).

En conclusion, le jour IPv6 de 2011 n'a pas été inutile. Le RFC estime 
qu'avant celui de 2012, il a été une des journées où l'Internet avait 
changé le plus. Mais les utilisateurs ordinaires n'ont rien remarqué, 
ce qui était justement le but. Même ceux qui mesurent les temps de 
connexion n'auront guère vu de différences. Le principal problème est 
le nombre trop élevé de sites qui publient un AAAA mais avec qui la 
connexion IPv6 échoue.

Autres mesures équivalentes :
* Google a publié des résultats 
<http://www.google.com/ipv6/statistics.html> côté serveur et des 
explications de ces résultats 
<http://static.googleusercontent.com/external_content/untrusted_dlcp/res
earch.google.com/en//pubs/archive/36240.pdf> (alors que notre RFC 
étudie le côté client),
* Un des modules de DNSdelve <http://www.dnsdelve.net/> permet des 
mesures du pourcentage d'enregistrements AAAA, ainsi que du taux de 
succès lorsqu'on se connecte en HTTP. Les résultats ont été publiés à 
l'OARC <http://www.bortzmeyer.org/oarc-londres-resilience.html> ou bien 
dans le rapport sur la résilience de l'Internet en France 
<http://www.bortzmeyer.org/rapport-resilience-internet-france.html> ; 
on trouvait moins d'1 % des domaines de .fr annonçant un enregistrement 
AAAA pour leur serveur Web,
* Le RIPE-NCC a mesuré <http://v6day.ripe.net/> côté client, entre 
autres avec ses sondes Atlas 
<http://www.bortzmeyer.org/atlas-yaounde.html>,
* Et Comcast et l'université de Pennsylvanie ont également mesuré avec 
leur "IPv6 Monitor <http://ipv6monitor.comcast.net/>".

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G6 -- Association Francophone pour la promotion d'IPv6 (http://www.g6.asso.fr)
Liste IPv6tech IPv6tech@g6.asso.fr
Info : http://mail.g6.asso.fr/mailman/listinfo/ipv6tech

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