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| ----- Original Message -----
| From: "Michel MONOT" <[EMAIL PROTECTED]>
| To: "Blaise Buscail" <[EMAIL PROTECTED]>
| Cc: "PMEV liste" <[EMAIL PROTECTED]>
| Sent: Friday, November 16, 2001 9:02 PM
| Subject: Re: anneau sites web pour la défense de l'école
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| Il est tard, et je vous réponds en quelques mots :
| Vous posez la question de l'école sans jamais poser la question des
| contenus,

C'est votre façon de présenter les choses. Je me situe au niveau du
primaire, même si j'ai pu être sollicité par le secondaire, et je ne
pose le problème des contenus que pour dire : on peut les faire passer
tels qu'ils sont en s'y prenant autrement, ne réduisons rien et
travaillons en vue du collège, dont les difficultés ne sont pas dues
deulement à un manque d'expérience en matière de gestion de
l'hétérogénéité. On a pû croire que l'école primaire était mieux armée
en la matière, ce qui était vrai dans une large mesure, mais pas au
point de savoir préparer tous les élèves à réussir au collège. On peut
aujourd'hui essayer de faire mieux avec des programmes exigeants.
Autre précision : nous avons proposé un "bombardement culturel" qui
traduit évidemment un souci de contenu, même s'il ne nous appartenait
pas de le définir.

| votre approche est donc parfaitement formelle, ou abstraite,

Si tel était le cas, elle resterait une théorie, une vue de l'esprit,
sans retombées pratiques. Or, ce n'est pas le cas : il est assez
étrange qu'une simple relation de travail posée sur Internet comme une
aiguille dans une meule de foin ait essaimé un peu partout et même
dans les collèges. Dans le domaine scientifique, une expérience est
validée lorsqu'elle est reproductible. Mutatis mutandis, la formule
que nous suggérons s'impose pour les mêmes raisons, et ceci explique
sans doute cela, ceci dit sans prétendre à une quelconque
scientificité, mais en rejetant assurément vos qualifications de
"formelle" et "abstrait"...

| peut par ce biais se rapprocher de toute la théorie du management,
qui elle
| même se résume au taylorisme, c'est à dire à la totale *subsomption*
du
| travail.

Je ne me réfère pas au management mais, à tout prendre et en restant
critique, je le préfère aux conceptions mécanistes des hiérarchies de
type étroitement pyramidal ou totalitaires. Mais le lien avec le
taylorisme me parait ténu, la division des tâches n'étant guère
envisageable dans le métier d'apprendre. Que la pédagogie par
objectifs soit cependant issue de cette mouvance, c'est un fait que je
ne conteste pas, pas plus d'ailleurs qu'une certaine parenté avec le
cartésianisme dont nous avons vite senti, en france, les limites. La
pédagogie de maîtrise originelle a pu être qualifiée d'utopie
rationaliste mais c'est précisément de cette critique que nous sommes
partis car c'était une critique constructive, qui ne voulait pas
"jeter le bébé avec l'eau du bain" et voulait au contraire creuser
encore le problème.

| Vous ne serez pas d'accord, mais pour moi, de manière certes
| inconsciente, vos théories soumettent l'école aux exigences du monde
| économique, bref du capital, et participent du travail aliéné en le
| théorisant.

Hélas, le monde est ce qu'il est et il ne me convient pas plus qu'à
vous. Mais il est encore plus dur pour les élèves en échec que pour
ceux qui tirent leur épingle du jeu. Alors, je le confesse,  je
voudrais que tous les élèves puissent s'en sortir. Je les condamne en
effet par là, peut être, à pouvoir se mettre au service du capital
plutôt qu'au chômage ou au gardiennage des chèves, mais cela me semble
moins pire qu'une attitude de rejet. Question d'appréciation
personnelle, qui ne regarde que moi, ici et maintenant, dans le monde
tel qu'il est.

| C'était seulement pour vous expliquer mon refus, pour vous dire
qu'il est
| motivé. Vous n'êtes, pas, bien sûr, tenu de partager ces
motivations, mais
| vous ne pouvez me reprocher d'avoir les miennes.

Vous assumez votre refus et je suis libre d'en penser moi ce que je
crois devoir en penser. Je ne vous reproche rien, sinon une conception
quelque peu étroite de la défense de l'école, dont je doute qu'elle
puisse contribuer à plus de démocratie et de justice, par exemple. Or,
défendre l'école, c'est d'abord cela pour moi qui me veux
"républicain" sans condamner stupidement le travail des
"pédagogistes".

| Ou bien ai-je lu trop vite ?

Je me garderai bien des procès hâtifs. C'est une hypothèse en effet,
mais ce n'est pas la seule. Dans la compréhension d'un texte, le
contenu de ce texte n'intervient que pour une part. Le reste doit
surtout à ce qu'on a déjà en tête, et je reconnais que la
compréhension de mes textes, si tant est qu'ils méritent ce nom,
supposent une connaissance préalable du problème et l'acceptation d'un
certain nombre de constats. Nous avons les notres, que vous n'acceptez
pas et c'est votre droit..

|
| Cordialement,
| BB
|
| PS : Il me semble que la pédagogie de projet était le dada de
Gentile,
| ministre de l'éducation d'un certain... Mussolini. Cela n'est pas
tout à
| fait indifférent ! (je crois)

Ce n'est pas tout à fait indifférent, mais cela n'autorise pas non
plus les amalgames faciles, procédé simpliste et suspect. Peut être
donc, mais le dit Gentile n'en est pas que je sache l'inventeur; les
origines de cette pédagogie étant sans doute moins politiquement
marquées, et peut être même très "populaires". Mussolini, s'il m'en
souvient bien, que l'on qualifierait aujourd'hui de populiste, fut un
temps populaire, et même régulièrement élu, mais cela est de toute
façon de peu d'importance au regard des problèmes de l'école française
d'aujourd'hui.
Pour ce qui me concerne, mon rapport personnel avec cette pédagogie du
projet est très simple et je suis d'un certain point de vue à la
limite du porte-à-faux : mettre l'elève en projet personnel
d'apprendre, en jouant sur une organisation particulière de la classe
et du temps, sans pour autant passer nécessairement par la pédagogie
du projet stricto-sensu, qui intervient plutôt en PMEV à titre de
complément..

| PPS : attention, je ne doute pas de votre bonne foi, mais comme dit
la
| sagesse populaire : l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Je veux bien croire aussi à votre bonne foi, et le fait que vous
acceptiez le débat en est déjà la preuve même si j'ai pu avoir par
ailleurs des raisons d'en douter, mais il ne faut pas faire dire à la
sagesse popuilaire ce qu'elle ne dit pas. Car cette sagesse populaire
ne va pas jusqu'au nihilisme. Il y a quelques bonnes intentions aussi
au paradis, à ce qu'on dit, et je veux bien le croire à défaut d'y
croire. Je pourrais d'ailleurs vous retourner l'argument. Les
critiques contre l'école ont souvent de fâcheux relents de simplisme :
je ne sais quelle révolution, au sens de retour au point zéro du bon
vieux temps où à l'école tout était si beau, mais c'est toujours en
d'autres termes le grand soir et ses lendemains qui chantent. Soyons
un peu sérieux, rien n'est aussi simple.

Bien cordialement,

MM


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