Allez hop, une page se tourne, finie la chasse aux bogons IPv4...

http://www.bortzmeyer.org/6441.html

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Auteur(s) du RFC: L. Vegoda (ICANN)


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Pour limiter certains risques de sécurité, des opérateurs réseaux 
filtraient en entrée de leur réseau les adresses IP non encore allouées 
(dites "bogons"). Les adresses IPv4 étant désormais totalement épuisées 
<http://www.bortzmeyer.org/epuisement-adresses-ipv4.html>, cette 
pratique n'a plus lieu d'être et ce RFC demande donc que ces filtres 
soient démantelés.

L'idée était d'empêcher l'usage de ces préfixes IP non alloués. Ils 
représentaient des cibles tentantes, par exemple pour un spammeur qui 
voulait des adresses jetables et non traçables : on trouve un bloc non 
alloué, on l'annonce en BGP (puisqu'il n'est pas alloué, il n'y a pas 
de risque de collision), on envoie son spam et on arrête l'annonce BGP. 
Pour éviter cela, et d'autres attaques analogues, l'habitude s'est 
prise de filtrer les "bogons", ces préfixes non alloués. Certains 
opérateurs rejetaient les annonces BGP pour ces "bogons", d'autres 
bloquaient sur le pare-feu les paquets ayant une adresse source dans 
ces préfixes non alloués. Ces pratiques étaient largement documentées 
par exemple sur le site de référence sur les bogons 
<http://www.cymru.com/Bogons/>.

Cette pratique a toujours posé des problèmes, notamment celui de la 
« débogonisation ». Lorsqu'un préfixe qui n'était *pas* alloué le 
devient, il faut toute une gymnastique pour le retirer des filtres 
existants, sachant que beaucoup de ces filtres ne sont que rarement mis 
à jour <http://www.bortzmeyer.org/pas-de-listes-noires-statiques.html>. 
On voit ainsi des messages sur les listes de diffusion d'opérateurs 
réseaux avertissant de l'arrivée prochaine d'un nouveau préfixe et 
demandant qu'il soit supprimé des filtres. Voici deux exemples de ces 
annonces en 2004 <http://seclists.org/nanog/2004/Aug/59> et en 2005 
<http://archive.apnic.net/mailing-lists/apops/archive/2005/03/msg00010.h
tml>. Pour permettre aux opérateurs de tester que tout va bien après 
cette suppression, les RIR mettent souvent un "beacon", un amer, dans 
le préfixe, une adresse IP qu'on peut pinguer pour tester, comme le 
recommande le RFC 5943. Tout ce travail faisait donc que la chasse aux 
"bogons" était contestée depuis longtemps 
<http://www.nanog.org/mailinglist/mailarchives/old_archive/2008-08/msg00
050.html>.

À noter (section 2) que le terme de "bogon" a été défini dans le RFC 
3871, qui recommande leur blocage. Ce même RFC 3871 décrit en détail le 
problème que posent les "bogons" et la raison de leur éradication. Le 
terme de martien, plus flou (il vient du RFC 1208), est appliqué à 
toutes sortes de paquets dont l'adresse source est anormale (dans le 
DNS, il a un autre sens, celui de paquet de réponse à une question qui 
n'a pas été posée).

La section 3 représente le c&#339;ur du RFC : elle formule la nouvelle 
règle. Celle-ci, tenant compte de l'épuisement des adresses IPv4 
<http://www.bortzmeyer.org/epuisement-adresses-ipv4.html> est simple : 
tous les préfixes IPv4 sont désormais alloués ou réservés. Il ne faut 
donc filtrer que les réservés. Les autres peuvent désormais tous être 
une source légitime de trafic IP. La chasse aux "bogons" et les 
difficultés de la débogonisation faisant partie du folklore de 
l'Internet depuis très longtemps, c'est donc une page d'histoire qui se 
tourne. (Les adresses IPv6 sont, elles, loin d'être toutes allouées et 
ne sont donc pas concernées.)

La section 4 rappelle que l'autorité pour cette liste de préfixes 
réservés est le RFC 5735, ou son éventuel futur successeur. On y trouve 
par exemple les adresses privées du RFC 1918 ou bien les adresses 
réservées à la documentation du RFC 5737. Les listes de "bogons" qu'on 
trouve sur le réseau, comme celle de TeamCymru 
<http://www.team-cymru.org/Services/Bogons/bogon-bn-nonagg.txt> sont 
désormais réduites à ce groupe.

À noter que l'assertion « Tous les préfixes sont désormais alloués » ne 
vaut que pour les préfixes de longueur 8 (les « /8 ») distribués aux 
RIR. Certains peuvent filtrer à un niveau plus fin, en distinguant dans 
ces /8 les adresses que les RIR ont affectés de celles qui ne le sont 
pas encore. Comme le rappelle la section 3.2, cette pratique est 
risquée, les affectations par les RIR changeant vite. Le RFC demande 
donc que, si on a de tels filtres, ils soient changés au moins une fois 
par jour.

Pour en apprendre plus sur les "bogons", on peut regarder la bonne 
analyse faite par BGPmon <http://bgpmon.net/showbogons.php?inet=4>. On 
voit finalementt peu d'annonces BGP de "bogons" (6 seulement en 2011), 
la plupart pour le préfixe 198.18.0.0/15 des mesures de performance 
(RFC 5735). Un bon résumé des "bogons" et de la débogonisation avait 
été fait par Dave Deitrich en 2005 
<http://www.nanog.org/meetings/nanog33/presentations/deitrich.pdf>.


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Liste de diffusion du FRnOG
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