Bonsoir,

On Wed, Nov 29, 2006 at 01:34:21PM +0100, Marc-Frederic GOMEZ - CTN1 wrote:
> Que pensez de l'idée d'un GIE sur les points d'échanges pour qu'il ne
> soit plus à la charge unique des opérateurs mais de l'ensemble de la
> communautée (FAI, Hebergeurs...)?

Le coût du point d'échange en soi  est marginal. Ce n'est pas ça qui pose
problème aujourd'hui.

Le  problème est  le développement  à grande  vitesse des  plateformes de
diffusion de Video.

On peut distinguer 2 catégories de plateformes:

1) téléchargement et là ça rejoint les mêmes problématiques que le p2p et
  le web donc à la limite on s'en fout (si un peering est saturé, ça
  prendra plus de tps à télécharger mais c'est pas si grave).

2) streaming live de contenus.

C'est  cette deuxième  catégorie qui  fait débat  actuellement (voir  les
histoires sur la "net neutrality" aux  US) car elle a la particularité de
nécessité une  garantie de  débit de l'encodeur  jusqu'à l'abonné  (si le
flux est encodé à 4Mbps et que la BP dispo end-to-end n'est que de 3Mbps,
ça va pas le faire).

Et tout  le problème est  de savoir comment  arriver à garantir  ce débit
end-to-end et surtout  qui doit réaliser et  financer les investissements
nécessaires.

Perso, je distingue 2 sous-catégories:

1) Les plateformes  de VoD payantes sur le web  (Canalplay, TF1, M6, RTL,
   etc), en gros les plateformes réalisées par les professionnels du
   monde des media que ça soit les chaînes de TV ou les studio en direct.
   Ces plateformes sont un non-sens total et finiront par disparaitre
   car elles auront tôt ou tard toutes vocation à terminer en diffusion
   sur les plateformes de VoD développées et mise en place par chaque
   opérateur sur son réseau. A charge de l'opérateur alors de garantir,
   moyennant rémunération, l'accès dans de bonnes conditions à ces
   contenus.

2) Les plateformes de diffusion gratuites (Youtube, Dailymotion pour ne
   citer qu'elles) qui espèrent vivre des revenus publicitaires et dont
   les contenus sont réalisés (et souvent rippés à partir d'un dvd/cd?)
   par les internautes. Le business model de ces boites est principalement
   basé sur les revenus publicitaires (cette phrase doit rappeler pas
   mal de souvenirs à ceux qui étaient là en 1999/2000)

Perso, je ne suis  pas là pour juger le modèle ni de  l'un ni de l'autre.
Ce qui n'a  pas marché en 1999  marchera peut-être en 2006,  et le web2.0
n'est pas forcément synonyme de bulle2.0.

Par contre,  j'ai l'intégrité  d'un réseau  à garantir  et quand  je vois
apparaitre un acteur qui  en l'espace de 8 mois se met  à générer plus de
trafic vers Free qu'un Club-Internet ou Telecom Italia France, je ne peux
pas rester indifférent.

Ici,  un petit  rappel  de l'état  du PIF  s'impose.  En France,  jusqu'à
présent, nous avions une singularité par rapport aux autres pays: 45% des
abonnés haut-débits  (qui représentent probablement 55%  du trafic total)
étaient  accessibles via  des  peerings gratuits  puisque l'ensemble  des
acteurs hormis  FT et AOL  avaient, à  ma connaissance, une  politique de
peering ouverte.

Or, de  petits hébergeurs/opérateurs  ont fini par  trop abuser  de cette
situation en vendant  aux 2 catégories ci-dessus la bande  passante a des
prix délirants en se disant "je vais  payer plein pot mon trafic vers FT,
AOL c'est pas  si gros et derrière  j'ai plus de la moitié  du trafic que
j'écoule gratos donc frontalement je peux casser le prix du Mbps". On est
tous du  métier et on connait  tous ce que  ce sont les coûts  pour aller
louer quelques m² à Redbus (surtout  avant l'augmentation des prix ;), de
mettre 40 serveurs par baie, un switch  et tirer une fibre vers le Freeix
ou le Panap....

On  (Free mais  je crois  savoir qu'on  est pas  les seuls)  a décidé  de
prendre  les devants  et  d'arrêter cette  dérive avant  que  ça ne  soit
dangereux. A l'heure où j'écris, le trafic d'un dailymotion ou un youtube
reste négligeable  par rapport à  ce qu'on fait  en interne (la  VoD chez
nous par exemple,  c'est des dizaines de Gbps qui  viennent se rajouter à
tout le reste en soirée) mais la croissance de leur trafic est clairement
inquiétante.

Quand Free,  pour sa  propre plateforme  de VoD (qui  je le  rappelle est
payante et  génère des millions  d'euros de  CA), doit investir  dans des
POPs régionaux pour clusteriser la plateforme, est-ce normal de véhiculer
gratuitement  les  flux  des  autres  à  partir  d'un  point  central  de
livraison?

J'entends déjà  revenir la remarque  "oui, ben  vous n'aviez qu'à  ne pas
annoncer 20Mbps ou 28Mbps" (et 100Mbps même pour certains depuis hier ;).

Un réseau est forcément construit  de manière statistique avec des effets
de mutualisation à tous les niveaux:

- entre le dslam et le switch dans le NRA (si tous les abonnés d'un dslam
  tiraient 20Mbps, le malheureux Gbps du dslam va avoir du mal)
- entre le NRA et le POP Regional/Backbone
- entre le POP Regional et le Backbone Parisien
- entre le backbone parisien et l'opérateur de contenu (liens de peerings)
- les serveurs de contenus eux-même (si demain soir, 12 millions
  d'internautes venaient à se connecter sur un même site web, je pense
  ne pas me tromper en disant que la plateforme d'hébergement part en
  vrille)

Il est dimensionné en fonction des usages et des services proposés. Quand
les usages ou  les services proposés changement  drastiquement, alors les
règles de  dimensionnement doivent être  forcément revues et  ceci induit
donc forcément des coûts.

Ces coûts,  il y a  3 acteurs dans la  chaînes qui peuvent  les supporter
et/ou les partager:

1) Celui qui a créé le nouvel usage (dans le cas qui nous intéresse, le
   fournisseur de contenu)
2) L'opérateur
3) Le client final

L'opérateur, s'il  devait supporter les  coûts, ceci voudrait  dire faire
baisser sa marge (oh le gros mot!). Et s'il ne veut pas la faire baisser,
il finira  tôt ou  tard par  faire payer le  client final....  _tous_ ses
clients même ceux qui n'utilisent pas les services de 1).

L'autre solution, qui me semble plus juste, est que l'opérateur répercute
directement à 1) les coûts et à charge de ce dernier de trouver le modèle
financier qui  lui permet d'être rentable  (encore un gros mot!)  soit en
facturant directement 3)  soit en trouvant les  revenus publicitaires qui
vont bien.

Enfin, le fournisseur  de contenu, s'il pense que l'opérateur  se fout de
sa  gueule et  lui vend  cher la  bande passante  pour la  terminaison du
trafic alors là il n'a qu'à  investir dans un backbone national et amener
le trafic au  plus près du client  final et il sera en  droit de réclamer
des tarifs moins élevés.

C'est exactement  comme pour les  interconnexions voix: vous  pouvez vous
interconnecter avec France Telecom au niveau des centres de transit (PRO)
ou alors descendre jusqu'aux CAA et payer moins cher la terminaison.


A+
Rani

---------------------------
Liste de diffusion du FRnOG
http://www.frnog.org/

Répondre à