Selon gui!llaume le 16/09/09 11:42:

> En effet, nous ne sommes pas dans un monde de bisounours, mais plutot
> dans une société capitaliste, où les entreprises privées n'ont pas comme
> objectif de fournir un service universel à tous les citoyens de France
> et de Navarre, mais de réaliser des bénéfices sur des services vendus.

Oh le joli amalgame digne d'un vendredi. Ne pas confondre fin d'un monopole
/ privatisation et fin du service public.

Un service public peut être assuré par des personnes privées, et ce bien
avant que Bruxelles ne vienne s'en mêler. Ca existe tous les jours dans des
domaines tels que les transports (ramassage scolaire notamment), les
services collectifs (gestion des déchets, eau potable, l'audiovisuel (ça
c'est parce qu'on est vendredi)

Et c'est le cas dans les télécoms depuis 1996, où le service public est
désormais assuré collectivement par les opérateurs, initialement autorisés
(avec cahier des charges et tout et tout en matière d'obligations) et
déclarés depuis 2004 (avec toujours autant d'obligations, y compris pour les
"petits" opérateurs).

Sauf que jusqu'à présent le législateur, tant au niveau national que
communautaire, s'est toujours refusé à inclure le haut débit dans le
périmètre du service universel.

> C'est pour cela qu'au risque de répéter ce qui est déjà passé sur cette
> liste, seul un acteur public, qui porte un projet de service (au)
> public, financé par l'Etat, peut et doit assurer un service public
> universel de l'internet. Ca s'est fait il y a qq dizaines d'années, pour
> le téléphone sur tout le territoire.

Mouaip. Le monopole public n'est nullement une garantie de parfait
déploiement, cf. le plan câble. La réalité du terrain est qu'un réseau ne se
déploie pas nationalement d'un claquement de doigts, monopole ou pas, public
ou privé, ça se fera *toujours* progressivement avec une échelle de temps
qui peut difficilement tomber en dessous de la décennie. Il aura fallu près
d'un siècle pour que 100% des communes Françaises soient raccordées à au
moins une ligne téléphonique, et il aura fallu près de 20 ans pour rattraper
le retard structurel en matière de service téléphonique.

Dans un contexte de concurrence, le haut débit a couvert plus de 98% de la
population en moins de 10 ans, et on flirte désormais avec les 99,5%.

Et le service public assuré collectivement (ie dans un contexte
concurrentiel) par des acteurs privés, ça marche plutôt bien, en tout cas
dans le domaine qui est le nôtre. Sortez un peu le nez de vos écrans et
allez vous balader en dehors des zones denses ou CSP++ des pays dits
industrialisés, pour lesquels (en tout cas la plupart) péréquations
géographique et tarifaire ne veulent rien dire. A l'inverse, les pays dans
lesquels ça reste un monopole public sur l'ensemble des segments
(infrastructures, services) ne sont pas vraiment les mieux lotis.

C'est la concurrence qui a poussé le FT statut privé à passer 99% de
couverture ADSL des lignes, alors que les plans initiaux du FT public
envisageaient de faire une pause aux alentours de 2000 NRA pour mesurer la
demande, et en tout état de cause borner le déploiement à moins de la moitié
des NRA. Et qu'on ne nous vienne pas parler d'opérateurs coucous, car c'est
cette concurrence qui a financé indirectement la moitié de l'équipement en
ADSL du pays via des tarifs de gros avec belle marge par rapport aux coûts
réels (cf. comptes d'exploitation largement positifs du bitstream tels qu'il
en ressort de la compta réglementaire de FT)

C'est cette concurrence qui, en investissant massivement (de grâce, qu'on
cesse d'écrire que les alternatifs n'investissent pas en zones peu denses,
bien installé derrière son écran en ne prenant comme référence ce qu'on peut
lire en ligne ici ou là alors que les comptes de Free ou SFR sont tout ce
qu'il y a de plus publics et audités, et une nouvelle fois, ce qui compte
c'est l'efficacité de l'investissement, pas le montant du chèque), a
contribué à ce que dégroupage ne rime pas avec écrémage. Avec 500 NRA, on
couvre plus du tiers des lignes (ce qui permet d'atteindre déjà un beau
niveau de rentabilité compte tenu l'effet de levier reposant sur le
différentiel de coûts), donc si ton raisonnement était fondé (minimiser les
coûts et les emmerdes, maximiser les profits), pourquoi diable la
concurrence irait s'embêter à faire 2000 NRA supplémentaires, et travailler
pour en faire autant d'ici les prochaines années ?

Car au fur et à mesure qu'on descend sur des petits sites (typiquement dès
qu'on va taper en dessous de 5000 lignes), ça devient vraiment galère entre
la saturation des ressources issues du temps de la puissance publique, loc
distante où tu peux te faire mettre dehors au gré du bon vouloir d'une
collectivité, ou les baies outdoor que plus grand monde supporte d'avoir
près de chez soi (ou essaye de monnayer contre des prétentions financières
délirantes) alors que ça pétitionne à tour de bras pour exiger de l'ADSL
dégroupé au nom de l'aménagement du territoire.


Ensuite, sur l'accès à l'abonné, qu'il soit cuivre ou optique, la
superposition de réseaux d'accès ne semble pas l'option la plus pertinente
pour maximiser la couverture et réduire les délais de déploiement, notamment
au regard du principe d'efficacité posé par le CPCE. Plus on se rapproche de
l'abonné, plus il semble difficile d'échapper au monopole naturel, ce qui en
soit n'est pas monstrueux si on peut mutualiser cet accès dans des
conditions efficaces, objectives, transparentes, non discriminatoires et
orientées vers les coûts.

Car la concurrence, dès lors que l'infra d'accès est neutre et permet de
répliquer une offre sur une large échelle, c'est par les services qu'elle se
manifeste : sur le marché grand public les boxes et tout ce qui va avec en
sont le meilleur exemple.

Pourquoi un tel modèle, qui bien qu'imparfait a fait ses preuves sur le
cuivre, ne devrait pas être reproduit dans le principe sur le FTTH en dehors
des zones denses, en adaptant les modalités pour éviter de reproduire les
erreurs du passé et notamment la confusion des genres entre exploitant de
l'infrastructure d'accès à l'abonné et fournisseur de service de détail.

Sur le FTTH où on part de 0, et pour lequel ne pèse aucune obligation de
mutualisation ex-ante hormis - la belle affaire - sur l'opérateur
d'immeuble, autant réparer l'erreur de l'été 1996 (pas la privatisation de
l'exploitant public, mais le déclassement du domaine public national des
télécommunications) et privilégier d'emblée la séparation fonctionnelle, en
confiant au niveau national la gestion de l'infrastructure mutualisée à une
entité neutre proposant un catalogue de services.


> Ca devrait se faire pour déployer des infrastructures haut-débit cohérentes"
> et performantes dans toutes les régions (y compris en outre-mer, souvent
> délaissé).

A ce jour, on a pas vraiment à rougir de la desserte des régions en haut
débit. Pas une région n'est à l'écart du dégroupage, et quasiment 100% des
communes sont accessibles en 2 Mbps.

Pour l'outre-mer, comme l'ont montré les derniers évènements, le problème
est plus d'ordre général et structurel que telecom, mais là aussi, on y
travaille :-)


Alec, 
-- 



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