Hello, Mark Surman a donné un article de présentation de Webmakers à une revue papier britannique consacrée aux NTIC dans l'éducation. Je trouve cet article, donc j'ai ébauché une rapide traduction, intéressant, car il résume bien la position de Mountain View sur le sujet. Elle tient en trois points. L'apprentissage des humanités numériques est devenu essentiel au XXI° siècle. La meilleure manière d'apprendre à marcher, c'est de marcher. Et les acteurs du Web ont un rôle à jouer dans cet apprentissage. Si je partage les deux premiers points, le troisième mérite à mon sens discussion, afin de voir comment le dessein de Mozilla, empreint de culture et de valeurs anglo-saxonnes, peut se décliner dans d'autres cultures, au hasard sur les rives de la Seine.
Il y a longtemps que je ne fréquente plus de profs, mais à lire par exemple le Framablog ou les commentaires sur Twitter de la confrontation Finkielkraut-Serres de ce ouikende, je crois que le sujet est encore sensible. Si la Fondation Mozilla s'investit dans l'éducation, rien ne pourra empêcher d'autres fondations aux buts similaires sur le papier d'en faire autant. Et, bizarrement, si j'ai une relative confiance en Mozilla, pour rien au monde je ne souhaite qu'un vieil ennemi de la liberté (des utilisateurs en général et du Web en particulier) comme Microsoft vienne déformer les générations à venir en les éduquant au numérique. Prêcher pour l'investissement d'acteurs privés dans l'éducation me let mal à l'aise, et risque de rencontrer des résistances, y compris d'éducateurs en accord avec nous sur la mission. Pour que la déclinaison locale de Webmakers ne se résume pas à quelques ateliers ponctuels réservés aux convaincus, il faudrait selon moi débattre des modalités de notre intervention avec les gens concernés. Je pense qu'il pourrait donc être intéressant de diffuser ce texte, par exemple, non sur un de nos blogs-à-geeks, mais auprès des populations dont nous avons besoin pour concrétiser Webmakers : l'ensemble des communautés éducatives. Donc par exemple le faire tourner sur des forums ou l'envoyer à divers acteurs et partenaires potentiels. Bon, j'ai la gorge sèche, assez causé, j'attends vos avis. Note pour Clarista : activité de l'élève Clochix sur son bulletin de décembre : a mal traduit un texte, lancé un troll, est retourné se coucher. Ploum, ploum, tralala, Clochix L'article (on pourra le padifier pour le corriger). # Mozilla veut s'engager dans les humanités numériques On connait surtout Mozilla pour Firefox, le navigateur Web ou Thunderbird, le logiciel de courrier. Mais Mozilla n'est pas un simple éditeur de logiciels. C'est avant tout une fondation humaniste qui œuvre pour permettre à un maximum de gens de pouvoir profiter des opportunités qu'offre le Web. Pour cela, elle développe des actions selon trois axes. Elle crée des outils comme Firefox ou le prochain système d'exploitation libre pour téléphones FirefoxOS, pour permettre à chacun d'accéder librement au Web, et démultiplier les possibilités techniques de la plateforme. Elle essaie d'imaginer de nouveaux usages, d'explorer comment le Web peut participer à l'évolution de certains secteurs, comme par exemple les médias, via le projet Mojo. Mais tout cela ne servira à rien si les internautes n'apprennent pas à utiliser pleinement le potentiel du réseau, s'ils en restent de simples consommateurs. Mozilla s'est donc lancé depuis plusieurs années dans un projet visant à éduquer au Web. Dans un article pour la revue britannique [ICT For Education](http://www.ictforeducation.co.uk/), Mark Surman, le directeur de la Fondation Mozilla, explique le but de ce projet : créer une nouvelle génération de créateurs numériques (source : le [numéro de décembre](http://fr.calameo.com/read/00050131704f444330848) de la revue, accessible via un lecteur Flash)). ## Une nouvelle génération de créateurs numériques Lorsque Tim Berners-Lee a créé le Web, il l'a intentionnellement conçu comme un mixage ouvert. Dans les premiers temps, le Web était un univers de créateurs où tout un chacun pouvait regarder comment ça fonctionnait, farfouiller et même modifier les contenus. La liberté de créer est depuis le début dans l'ADN du Web, et c'est en grande partie cela qui fait l'intérêt d'Internet. Le génie du Web est qu'il est composé de briques ouvertes que n'importe qui peut utiliser pour créer. Comme lorsqu'on joue avec des Lego©™®, on peut sur le Web assembler différentes briques pour créer quelque chose d'unique. On peut aussi en chemin s'appuyer sur les créations des autres. Cela fait du Web quelque chose de différent de tous les autres médias de masse que nous connaissons. Mais aujourd'hui, on ne peut plus considérer cette liberté de créer comme garantie. Si on ne protège pas les briques ouvertes qui font le Web, si on ne les transmet pas à une nouvelle génération de bricoleurs, de créateurs et de bâtisseurs du Web, le pouvoir créatif du Web à ses début pourrait bien à l'avenir sérieusement s'amenuiser. Nous vivons de plus en plus dans un univers technologique voué à la « consommation élégante »[^elegant], où un nombre sans précédent de gens ont la possibilité de consommer des contenus sur le Web, alors que ceux capables d'en créer diminuent. En tant qu'éducateurs et d'individus qui se soucient de l'avenir du Web, nous devons inverser la tendance. ### La fracture numérique D'après un sondage récemment commandé par Mozilla en Grande-Bretagne, 67% des enfants de 8 à 15 ans disent qu'ils voudraient apprendre à programmer, mais seulement 4% ont effectivement la chance de pouvoir le faire. Dans nos écoles, les cours de technologie et les méthodes éducatives sont souvent en grande partie dépassés. Nous luttons pour donner aux jeunes et aux natifs de l'ère numérique les compétences dont ils ont besoin pour créer et s'exprimer avec les technologies, plutôt que de simplement consommer les créations des autres. Nous avons mis entre leurs mains de magnifiques gadgets technologiques, mais pas la possibilité de leur ouvrir le ventre pour comprendre comment ils fonctionnent. C'est comme si par mégarde nous avions appris à toute une génération comment lire, mais pas comment écrire. Ce défi ne concerne pas que l'école, il est vital pour le futur d'Internet. Aujourd'hui, nous sommes à une croisée des chemins, et le choix que nous allons faire va façonner la façon dont en tant que consommateurs et éducateurs, nous prendrons part à ce futur, nous apprendrons et nous rendrons service. Le premier chemin mène à un Internet de créativité et de liberté, ouvert afin que chacun puisse en faire ce qu'il veut, sans contraintes, sans devoir demander la permission. À l'opposé, l'autre chemin mène à un Internet de plus en plus contrôlé, avec un nombre croissant de règles. Dans ce futur là, une poignée de cerbères — gouvernements qui censurent les sites d'actualité ou compagnie qui contrôlent ce qui peut être dit et fait en ligne — garderont les portes du temple numérique et décideront de ce que les utilisateurs peuvent voir et créer. Dans une certaine mesure, l'humanité ira probablement là ou ira Internet. L'accès à Internet est désormais considéré comme un droit fondamental, et pour certains cela devient même un besoin humain de base. Peu importe que nous nous intéressions à la technologie, pour un monde créatif et libre, nous avons besoin que l'approche ouverte d'Internet l'emporte. ### Pour qu'Internet reste ouvert Pour gagner cette bataille, il faut une stratégie qui se décline sur trois plans, politique, technologique et éducatif. Une politique bien pensée peut servir de base pour défendre les valeurs qui font la force d'Internet : la transparence, le contrôle partagé, la participation, et l'accès libre à l'information, au savoir et à l'ensemble des opportunités. Ensuite, nous avons besoin de logiciels qui promeuvent sur Internet l'ouverture et la créativité. Nos outils doivent porter ces valeurs. Que ce soient des navigateurs qui offrent à leurs utilisateur une base pour coder, ou des sites Web qui encouragent des échanges créatifs libres entre communautés, Internet sera façonné par les logiciels et les valeurs qu'ils portent (traduction très approximative). La dernière pièce, peut-être la plus importante, de cette stratégie, c'est l'éducation. Il faut apprendre à chaque internaute comment le Web fonctionne pour aller au delà de la simple consommation. Nous devons aider les gens à comprendre qu'avoir des rudiments de programmation et de culture numérique est devenu aussi important que le sont la lecture, l'écriture ou les mathématiques. Il ne s'agit pas seulement d'apprendre aux gens à programmer, ou de former des développeurs Web, mais de les aider à comprendre que les humanités numériques sont une compétence vitale au XXI° siècle. C'est un vaste chantier qui va demander un travail commun aux communautés éducatives, aux responsables politiques et au secteur privé. Des propositions comme celles du ministre britannique de l'éducation, [Mickale Gove](http://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_Gove) pour mettre à jour les cours de technologies sont un bon début. Mais les organisations du monde technologique, les communautés éducatives et les volontaires ont également un rôle important à jouer. Qui mieux que les organisations qui créent et innovent tous les jours sur Internet est à même d'apprendre aux jeunes à le faire. Le mouvement du logiciel libre en particuliers a toujours permis d'apprendre tout en créant, de partager ses connaissances avec ses collègues et ses pairs, de recevoir de l'aide lorsqu'on en a besoin, et de créer des [communautés de pratique](http://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_de_pratique) qui se renforcent et grandissent dans le temps. De la même manière, la technologie et l'apprentissage du numérique ne devraient pas être confinées dans les salles de classe. Des organisations comme Mozilla et d'autres peuvent travailler de concert avec des écoles, des éducateurs et des enseignants de toutes sortes pour aider à enseigner le Web et avancer vers une planète mieux armée pour utiliser le numérique. Des ressources de valeur existent déjà pour inciter les jeunes à acquérir des compétences en numérique. Le projet Scratch du MIT permet aux utilisateurs de créer et de partager des projets interactifs et des jeux. Coding Academy propose aux adolescents des cours de programmation gratuits et interactifs. Chez Mozilla, notre nouveau programme Webmaker propose des projets, des outils et une communauté pour aider les jeunes à créer sur le Web, en acquérant au fur et à mesure les compétences dont ils ont besoin. Les outils permettent de créer facilement des pages Web et des vidéos interactives et de les partager. Cela va bien au delà de ce que proposent la plupart des réseaux sociaux. Le projet veut aussi faciliter la vie de quiconque désire organiser un évènement autour de l'apprentissage de la culture numérique. L'été dernier, Mozilla a participé à plus de 700 évènements de ce type organisés dans le monde entier. Des professeurs et des élèves, jeunes et vieux confondus, sont venus apprendre ensemble les bases de la programmation et du fonctionnement du Web en participant à des projets amusant qu'ils ont pu créer et partager. L'esprit de l'apprentissage créatif a culminé lors du Festival Mozilla annuel, où se sont rassemblés des développeurs, des éducateurs, des jeunes, des fabriquant de nouveaux médias, pour ensemble créer et imaginer le futur. Cette année, le festival, qui s'est tenu en novembre, s'est concentré sur le développement d'un mouvement global pour enseigner le savoir-faire numérique. Le but ultime est de donner naissance à une nouvelle génération de créateurs, d'innovateurs et de fabricants numériques. En enseignant les humanités numériques et une approche créative de la technologie, nous pouvons protéger la vision originelle du Web de Tim Berners-Lee. Nous pouvons mettre les briques libres dans de nouvelles mains, en donnant la possibilité aux jeunes de créer de nouvelles histoires, de nouveaux outils, de nouvelles applications que nous ne pouvons même pas encore imaginer aujourd'hui. Mais si nous ne faisons pas ce pas en avant, nous prenons le risque d'un monde de plus en plus balisé, de plus en plus contrôlé. L'enjeu, l'opportunité, ne peuvent pas être plus importants. [^elegant]: selon [l'expression de Mitchell Baker](http://openmatt.org/2011/11/15/the-next-web-joyful-production-vs-elegant-consumption/), la présidente de la Fondation Mozilla ; -- Envoyé depuis des Logiciels Libres (Vim, Mutt, Exim4, Debian GNU/Linux) _______________________________________________ Moz-fr mailing list Moz-fr@mozfr.org http://mozfr.org/mailman/listinfo/moz-fr